Annales de l’éducation du sexe

Annales de l’éducation du sexe

Type : presse d’éducation

Aire géographique : Paris

Année début : 1790 (après février, probablement avril)

Année fin : 1790 (mai ou juin). « On lit ce qui suit dans la Gazette de France, du vendredi 28 de ce mois [de mai]. » (N° 7)

Titre : Annales de l’éducation du sexe

Suite du Titre : Annales de l’éducation du sexe, ou journal des demoiselles

Fondatrice et rédactrice : Madame Mouret. « Par Madame Mouret, descendante de La Fontaine, & auteur du Plan d’Éducation pour le Sexe ».

Née Marie Jeanne Anne Eléonore Bochet (fille de Pierre Guy Bochet de Rozoy, avocat en parlement, décédé à Paris), elle épouse François Joseph Mouret, procureur au parlement de Paris, le 25 octobre 1782, étant mineure.

Dans le premier numéro du journal, on lit l’Avis suivant :

« AVIS Relatif à ce Journal. C’est l’ouvrage que l’Auteur a présenté à l’Assemblée Nationale, & qui sera donné successivement par parties. Cette dame a été invitée par une infinité de citoyens à tenir un cours & une maison d’Éducation pour le Sexe. Elle s’y est déterminée pour le bien de la jeunesse, & elle annoncera sous peu de jours le local qui lui sera assignée à Paris par l’Administration des établissements publics. Dans cet établissement elle a offert de prendre douze jeunes Orphelines dont les Pères se seront sacrifiés pour la Patrie, soit dans les arts, soit dans l’état militaire. » p. 23-24.

« Madame Mouret descendante du côté maternel de l’inimitable Lafontaine, désirerait présenter un  ouvrage très important pour le bien public (Traité d’éducation particulièrement destiné aux filles). » (Assemblée nationale, 11 février 1790).

« Madame Mouret, directrice du Musée des Dames, présente à l’Assemblée nationale un ouvrage nouveau intitulé le Catéchisme  du citoyen pour la jeunesse française, servant de suite à son plan d’éducation. » (Assemblée nationale, 6 juin 1790).

« Plan de confédération des femmes françaises adressé aux représentants de la Commune siégeant à l’Hôtel de Ville, par Madame Mour et, auteur des Annales de l’Éducation du sexe, directrice du Musée des Dames et des demoiselles » (Archives de Paris 6 AZ 691)

Nous n’avons pas trouvé d’autre trace d’un « Musée des Dames » ni d’un établissement pour orphelines.

Épigraphes :

« On ne suit pas toujours ses aïeux, ni son père,

Le peu de soin, le tems, tout fait qu’on dégénère

Faute de cultiver la nature et ses dons,

O combien de Césars deviendront Laridons.

                   Fable de La Fontaine sur l’Éducation. » [LIVRE viii, Fable xxiv].

Prospectus : pas de prospectus. Le premier numéro débute par une Adresse à l’Assemblée nationale, suivie par une Introduction, dont voici un extrait :

« Il est peu de matières sur lesquelles il y ait tant à dire & à redire que sur l’éducation du Sexe, parce qu’il n’y a point de carrière qui soit aussi hérissée d’épines, de défauts et d’abus ; il semble que l’on ait pris à tâche de détériorer l’éducation de cette malheureuse portion de l’humanité, tandis qu’on a les raisons les plus pressantes de l’améliorer. […] Ce Journal, où nous citerons avec éloge les jeunes personnes qui se distingueront par les bonnes qualités de leur esprit et de leur cœur, sera un puissant aiguillon pour porter le Sexe à acquérir les vertus & les lumières qui feront sa gloire & son bonheur. »

Périodicité annoncée : hebdomadaire : « Avis relatif à ce Journal. […] Ce Journal paraîtra exactement tous les Jeudis de chaque semaine. » p. 24

Collection étudiée : 8 numéros

Pagination : continue du n° 1 à 7, puis discontinue

Nombre de pages du numéro : 24 pages, n° 1 à 7

Le numéro 7 est suivi par : Découverte précieuse à l’humanité ; Hommage fait à la patrie, sous les auspices de l’Assemblée nationale, de 8 pages. La Découverte est suivie par le n° 8, de huit pages. Le n° 8 est suivi par Ariette, Autres couplets du même auteur [M. le Roux] et Inscription (8 pages).

Lieu d’édition : Paris

Imprimeur : « Rozé, Imprimeur National, rue des Postes »

Découverte précieuse à l’humanité … : « De l’Imprimerie de Laurens junior. Imprimeur de la Nation, rue Saint-Jacques vis-à-vis celle de Mathurins »

Souscription : la 2e page de chaque numéro présente les CONDITIONS de souscription :

« La Souscription est de 12 liv. par an, pour Paris, & 15 liv. pour la Province. On recevra, franc de port, par la poste, chaque semaine, un cahier de 24 pages, ce qui fera par mois, un volume de 96 pages, du format & du même caractères du présent N°. On souscrit chez l’Auteur, à l’adresse ci-dessus, à Paris [quai de la Tournelle, n°. 28, au premier]. Et en Province, chez les principaux Libraires. On trouvera, dans ce Journal, les méthodes les plus faciles & les plus agréables pour l’enseignement de toutes les parties de l’éducation du Sexe. L’Auteur recevra, avec plaisir, & avec reconnaissance, tous les avis et tous les ouvrages que l’on voudra bien lui envoyer, pour l’embellissement & la perfection de ce Journal. On prie les personnes qui feront ces envois, d’affranchir les lettres & les paquets, qui, sans cette précaution, resteraient au rebut. »

Contenu annoncé :  un « plan d’Éducation pour le Sexe [c’est-à-dire pour les jeunes filles] ».

Contenu réel : Variétés ; Exposition ; Fable ; Conte moral ; Ode ; Stance ; Avis très intéressants aux chefs de famille ; Éducation morale, Existence de Dieu ; Courrier des lectrices (« Lettre à Madame Mouret, auteur de ce journal »).

Formes du discours : le discours porte sur l’éducation des « personnes du Sexe ». Madame Mouret propose les « règlements » à suivre ainsi que les « moyens de supprimer les abus dans l’Éducation » des jeunes demoiselles.

Orientation politique : le journal de Madame Mouret fait abstraction du contexte politique (les premiers mois de la Révolution, la monarchie constitutionnelle). Son discours tourne autour de l’éducation religieuse, morale et littéraire des jeunes filles, que Madame Mouret désigne par « le Sexe ». Elle reconnaît l’autorité de l’Assemblée nationale, à laquelle elle adresse son plan pour approbation ; son discours, cependant, s’inscrit dans les normes morales et religieuses de la société d’Ancien Régime.

Mentions d’autres journaux : Gazette de France (dans n° 7)

Mentions dans d’autres journaux : L’Année littéraire et politique, 1790, t. III, n° 16, p. 79-85 ; Le Point du jour, n° 212 du 12 février 1790 ; Procès-verbal de l'Assemblée nationale,  n° 310, 5 juin 1790.

Auteurs cités : La Fontaine

Contexte politique immédiat : en février 1790, le roi déclare devant l’Assemblée que lui et la reine acceptent la monarchie constitutionnelle. Le serment civique est prêté à la fin de la séance : « À la nation, à la loi et au roi. » Mars : l’Assemblée supprime le droit d’aînesse : l’égalité des partages entre hommes et femmes est ainsi établie.

Bibliographie :

  1. Hatin, Bibliographie historique et critique de la presse périodique française, Paris, Firmin-Didot Frères, 1866, p. 161 (Hatin ne retient que 7 numéros du journal de Madame Mouret : « 7 nos in-8° ») : « Pour donner une idée de l’esprit des Annales, je citerai la réponse du président de l’Assemblée nationale à l’adresse lue à la barre par l’auteur : "L’Assemblée reçoit avec le plus grand intérêt votre ouvrage, qui tend à inspirer l’amour de la patrie, le goût des bonnes mœurs, et à donner au sexe les lumières nécessaires à l’acquit de ses devoirs. Vos vues sont dignes d’un siècle éclairé, que vous embellissez, et qu’avait préparé votre illustre aïeul M. de La Fontaine. Vous nous en retracez parfaitement les sublimes talents." »
  2. La France littéraire, ou Dictionnaire bibliographique des savants, historiens et gens de lettres de la France, vol. 6, Paris, Firmin-Didot, père et fils, 1834, p. 344 : « MOURET (Mme), se disant descendante de Lafontaine. […] Ce journal paraissait chaque semaine par cahiers de 24 pages. Quatre cahiers formaient un volume de 96 pages. Il n’en a paru que quelques cahiers. Cette dame a présenté à l’Assemblée nationale, la même année, un Plan d’éducation pour le sexe. »
  3. Y. Knibiehler, M. Bernos, É. Ravoux-Rallo et al., De la pucelle à la minette : les jeunes filles, de l'âge classique à nos jours, Paris, Temps actuels, 1983 : « Mme Mouret fonde des Annales de l’Éducation du Sexe et envoie en 1790 un Plan d’éducation à la Constituante. Mère de trois enfants, méfiante vis-à-vis de Rousseau, elle insiste sur la nécessité des jeux actifs pour développer le corps et des exercices méthodiques pour fortifier le raisonnement ; elle fait place à l’arithmétique, à la cartographie. Elle voudrait recruter un personnel spécialisé de femmes patientes, très instruites et de mœurs exemplaires. »
  4. Vincent Soulier, Presse féminine : la puissance frivole, Paris, L’Archipel, 2008 : « Encouragée par Condorcet, favorable au vote des femmes, Madame Mouret lança en 1790 Les Annales de l’Éducation […] Son idée […] : il ne peut y avoir de citoyennes sans "apprentissage des mots", c’est-à-dire sans alphabétisation des jeunes filles. »

Articles curieux :

iii. VARIÉTÉS. « […] Je vais donner un modèle de l’emploi bien combiné des jours de la semaine. […] Le Dimanche, jour destiné au culte de Dieu et à des objets de Religion, les jeunes Élèves seront interrogées sur ces matières importantes, & on récompensera celles qui auront le mieux répondu.

Le Lundi, on composera, le matin en Lecture, l’après-dîner en Écriture. La première de chaque classe sera récompensée dans les compositions.

Le Mardi, on composera le matin, en Orthographe, & l’après-dîner en Dessin.

Le Mercredi, on composera en Géographie, & l’après-dîner on aura congé. Une partie de ce tems sera employée à des jeux et à des exercices amusans ; & l’autre partie, à des observations sur l’économie, sur la vie champêtre.

Le Jeudi, on composera, le matin, en Histoire Sainte ; et l’après-dîner, en Histoire Profane ; en commençant par l’Histoire de France.

Le Vendredi, on composera, le matin, en Arithmétique ; & l’après-dîner, en Musique, soit vocale, soit instrumentale.

Le Samedi, on examinera, le matin, tous les petits Ouvrages d’industrie, analogues aux occupations du Sexe ; & on récompensera les plus laborieuses & les plus adroites.

L’après-dîner, on donnera congé à toutes les Demoiselles qui auront été les premières des classes, dans les diverses compositions. Les secondes auront la moitié du congé, & toutes les autres resteront à l’Étude.

Comme chaque composition ne durera qu’une heure et demie au plus, cet exercice ne pourra nuire en aucune manière aux études journalières ; au contraire, l’émulation qui en résultera, en facilitera singulièrement les progrès. »

vi. « FABLE.

Imitation de la Fable où le Renard voyant un beau masque de théâtre, s’écria : O la belle tête ! C’est dommage qu’elle n’ait point de cervelle.

Un Renard parcourant d’un bel-esprit l’ouvrage,

Jugea que le bon sens n’était point son partage.

O ! S’il avait, dit-il, le sens commun, ma foi,

Il pourrait mériter les faveurs d’un grand Roi.

Le sens commun, dit Pascal, n’est pas si commun qu’on se l’imagine. Combien voyons-nous de beaux esprits sans jugement. »