Instituteur national
Type : journal d’information et d’instruction sociale (journal d’utilité publique).
Aire géographique : Paris
Année début : 1794
Année fin : 1795
Dates extrêmes : 1e nivôse an III (21 décembre 1794) – 25 floréal an III (14 mai 1795). Le journal peut avoir continué après cette date : dernière page du n° 145 : « (La suite demain.) »
Titre : Instituteur national.
Suite du titre, à partir du n° 8 : « Réunissant, aux nouvelles les plus intéressantes, tous les objets d’instruction sociale. » À partir du n° 52 : « Réunissant, aux nouvelles les plus intéressantes, tous les objets d’instruction sociale. Distribués dans les dix jours de chaque décade. »
Rédacteurs : Delacour. N° 1, p. 6, article signé « Par le Citoyen Delacour, Rédacteur du Journal. »
Le « Citoyen Delacour » collabore au Journal politique, ou Gazette des gazettes, 1792 : « Les personnes qui voudront s’abonner, ou renouveler leur abonnement pour ce Journal, sont priées de s’adresser au Citoyen Weissenbruch, directeur des Journaux, à Bouillon, ou à Paris, au Citoyen Delacour, chez le Citoyen Lutton, rue Helvétius, N° 613, ci-devant Ste Anne, N° 9 ». Il collabore aussi au Journal encyclopédique ou universel, 1792 : « Pour tout ce qui regarde la correspondance de France, on aura la bonté de s’adresser au citoyen Delacour, chez le citoyen Lutton […]. »
Collaborateurs : de nombreux articles sont signés par un certain Mazères.
Épigraphe : « Utilité, Variété ».
Prospectus : Pas de prospectus. Mais Delacour signe un long article paru dans la 1re livraison, intitulé Mœurs publiques. Régénération des Mœurs Nationales, dans lequel il définit l’axe de son journal. « Parmi toutes les sciences qui vont entrer dans notre plan d’instruction républicaine, nous mettons sans doute au premier rang celle des mœurs. […] Osons donc espérer cette renaissance inouïe ; donnons un grand exemple à l’univers : il a les yeux sur nous. Plus de milieu dans l’état où nous sommes ; il faut que nous devenions pour lui un sujet d’admiration ou de pitié ; il faut que nous ayons des mœurs, ou que nous cessions d’être libres ; et il faut que nous restions libres, ou que nous ne soyons plus rien. »
Périodicité : quotidien
Collection étudiée : intégralité de la collection de la BNF (n° 1-145) disponible en ligne.
Pagination : N° 1 - 30 : par numéro. À partir du n° 31 : pagination continue. Le numéro de la livraison est désormais en chiffres arabes et non plus romains. À partir du n° 91 (début du Tome II), une pagination continue recommence à la page 1. Fin du n° 90 : « Fin du Tome premier. » À partir de n° 91, en bas et à droite de la 1re page : « Tom. II. »
Nombre de pages du numéro : 8, sur une colonne.
Lieux d’édition : Paris
Imprimeur / Souscription :
N° 1 : « On souscrit chez le citoyen Michelet, Imprimeur de ce Journal, rue des Bons-Enfans, N.° 6, à Paris. Le prix de l’abonnement est de 40 livres pour un an, 22 livres 10 sols pour six mois, et 15 livres pour trois mois, franc de port. »
Le prix augmente avec le n° 51 : « Le prix de l’abonnement est de 45 livres pour un an, 25 livres pour six mois, et 15 livres pour trois mois, franc de port. »
Seconde augmentation à partir du n° 82 : « Le prix de l’abonnement est de 50 livres pour un an, 27 liv. 10 sols pour six mois, et 16 livres pour trois mois, franc de port. »
Contenu réel (rubriques) :
Nouvelles de l’Extérieur. Convention nationale. Paris. Littérature ; Bizarreries et imperfections de notre langue. De la langue française depuis la révolution. Éducation. Variétés. Politique. Nouvelles politiques. Législation. Histoire. Annonce. Physique. Commerce et industrie. Mœurs et caractères. Agriculture. Légende républicaine. Beaux-arts. Économie rurale. Morale. Histoire naturelle. Légende républicaine, puis Légende (toujours à la fin de la livraison).
Formes du discours : la partie gazette, les séances de la Convention nationale et la rubrique de Paris, occupent les quatre ou cinq premières pages de la livraison. Les articles consacrés à l’instruction (littérature, mœurs, histoire naturelle, physique, agriculture, etc.) interviennent dans les dernières pages. De la Politique aux Moyens d’empêcher les cheminées de fumer, tous les sujets sont abordés.
Orientation politique :
Malgré l’importance d’une instruction républicaine, sur laquelle insiste Delacour, son discours n’est pas sans rappeler celui des journaux royalistes, qui jouissent à nouveau de la liberté d’expression après la fin de la convention montagnarde. Le rédacteur insère à plusieurs reprises un « extrait littéral » du journal royaliste l’Accusateur public. Si la ligne politique n’est pas clairement affichée, son hostilité aux jacobins l’est. Sur la mort d’André Chénier, il utilise les mots massacré et victime de la tyrannie : « André Chénier fut massacré, le 7 thermidor, avec le malheureux Roucher et vingt autres prisonniers de Lazar […] Les amis des sciences et des lettres joindront le nom de cette victime de la tyrannie de nos anthropophages, avec les noms de Lavoisier, de Pailly, de Condorcet, de Dionis, etc. » (N° 21, Variétés)
Delacour insère des phrases à double sens qui reflètent ses convictions. Il conclut un article Physique consacré aux Froids mémorables, que : « […] rien d’extrême ne peut durer longtemps. » (n° 27). À propos du calendrier républicain, il reproduit les mêmes arguments que les articles parus, à la même période (janvier-mai 1795) dans la Quotidienne, journal royaliste : le nouveau calendrier freine la communication avec le reste de l’Europe : « N’est-ce pas en [le droit public européen] déranger l’harmonie, que de s’isoler de tous par des mots nouveaux et des habitudes nouvelles ? Étaient-ils des sages ou des fous ceux-là qui sont les auteurs des jours sans-culottides ? Et n’ont-ils compté pour rien de verser à pleines mains le ridicule sur la nation française ? Puissent nos législateurs écouter proprement le vœu des commerçants et nous rendre l’ère de l’Europe. » (N° 118, Extrait du Courrier Maritime)
D’autres phrases suggèrent un positionnement idéologique plus ambigu : « Le brillant et l’éclat conviennent aux monarchies : le luxe des Républicains, c’est la commodité, l’aisance et la propreté. » (n° 24).
Mentions d’autres journaux :
N° 12, Spectateur français ; n° 21, Morning Post ; n° 52, 57, Accusateur public ; n° 118, Courrier maritime ; n° 131, Abréviateur universel.
Auteurs et artistes cités : Rousseau, La Harpe, Mengozzi, Rubens, Collin-Harleville, André Chénier, Roucher, Buffon, Riousse.
Personnages cités favorablement : Condorcet, Turgot, Desmoulins.
Personnages cités défavorablement : Dumas, Robespierre, Palissot.
Mots caractéristiques : « sûreté civile » ; « union sociale ».
Contexte politique immédiat :
Événements ayant motivé la publication d’un ou plusieurs articles : abolition de la loi du maximum (24 décembre 1794) ; le Réveil du peuple, musique de Gaveaux et paroles de Souriguières, est chanté pour la 1e fois (19 janvier 1795)
Bibliographie :
Hatin, Bibliographie historique et critique de la presse périodique française, Paris, Didot, 1866, p. 258
Articles curieux :
N° 8 : « Variétés. Extrait du Journal d’un voyageur américain, à Paris.
[…] Je me suis plu à rendre hommage aux grandes qualités des Français ; j’attends les suites les plus heureuses de leur révolution : mais en exact observateur, je dois aussi noter leurs défauts. Celui qui m’a le plus choqué, depuis le peu de temps que je suis ici, c’est la manie, très commune parmi eux, de ne point s’écouter, de ne point se répondre, et de parler tous à la fois : ce qu’il y a de pis, c’est que chacun ayant la prétention d’être seul entendu, crie de toute sa force ; et dans une société un peu nombreuse, c’est un bruit à devenir sourd.
J’ai voyagé chez les sauvages de l’Amérique septentrionale ; je savais leur langue ; j’ai parlé avec eux ; ils ont pour coutume, s’ils ont quelque chose d’un peu important à die, de commencer par toucher l’oreille de celui à qui ils parlent, avec une branche de Wampun, pour l’avertir d’écouter ; ensuite ils se recueillent pendant quelques minutes, avant de prendre la parole, et finissent en nommant celui auquel ils s’adressent, et en lui disant : un tel, j’ai parlé. Les interrompre, soit pendant le recueillement qui précède leur discours, soit pendant le discours même, ce serait une injure grave, et qu’ils ne se permettent jamais entre eux. Les Français ne se doutent guère que les Indiens des bords de l’Ohio, que des sauvages qui vivent dans les bois, pourraient leur donne des leçons de politesse.
En vérité, j’ai souvent désiré ici, qu’au lieu d’une branche de Wampun, celui qui parlait tint dans la main un bon gros bâton ; et eut de droit d’en détacher un ou deux coups au premier qui l’interromprait. Le bâton pourrait passer de main en main, et chacun parlerait à son tour. On dirait : donnez-moi le bâton, au lieu de dire : donnez-moi la parole. »
Autres :
N° 58, Éloquence
N° 77, Histoire naturelle. De la soie végétale, ou plante à soie de Syrie.
N° 80, Littérature. Observation sur le Réveil du Peuple, chanson patriotique.
N° 90, Littérature. Suite des observations sur quelques mots révolutionnaires.
N° 100, Littérature. Sur le projet d’universaliser notre langue.