La Légende dorée (1791)

La Légende dorée

 

Type : Journal satirique, anti-royaliste

Aire géographique : Paris

Année début : 1791

Année fin : 1791

Dates extrêmes : N° 1, du mercredi 16 février 1791 – N° 26, du mercredi 18 mai 1791

Titre : La Légende dorée

Suite du Titre : La Légende dorée, ou les Actes des martyrs, pour servir de pendant aux Actes des Apôtres

Rédacteurs : Jean-Marie GIREY-DUPRÉ

Épigraphes :

N° 1 : Recedant vetera ; Nova sint omnia Corda, voces, et opera.

N° 2 : Des ennemis de la France, Vengeons nous par des couplets. Réveil d’Epiménide.

N° 3 : Quæ sit Forma futura rogant, quis sit laturus in aras Thura…… Ovide. Métam.

N° 4 : Quod cupiunt sperant, suaque illos oracula fallunt. Ovide. Métam.

N° 5 : Bullatas nugas …. Perse

N° 6 : Ils demeurent sans voix ! Que devient leur audace ? Je vois leurs visages pâlir. Le trouble les saisit, l’étonnement les glace. Ah ! leurs destins vont s’accomplir. J. B. Rousseau : Ode XVI. [Aux Suisses. Durant leur guerre civile en 1712]

N° 7 : Arma virumque cano. Virg. Ænéid, lib. I.

N° 8 : Le Dieu sanglant qui donne la victoire, Le Dieu joufflu qui préside aux festins, D’emplir ces lieux se disputaient la gloire, L’un de Canons, et l’autre de bons Vins. Voltaire, Pucelle. [Chant XV] »

N° 9 : Un peuple fier chérit tout à la fois Sa Liberté, sa Patrie et les Loix. J. B. Rousseau. Épit.

N° 10 : Le Pape écrit une Lettre divine ; Plus d’un Prélat la met dévotement Tout à côté du Nouveau Testament ; Mais, à leurs yeux, une cohorte fière En même-temps s’en torche le derrière. Voltaire, Pucelle.  [Chant III, éd. de 1756]

N° 11 : O utinam possem crepidas reparare pa[rte]nis ! Aebius, etc. Ovid. Métam. [XV]

N° 12 Less great the magic art was reckon’d Of tallies cast by Charles the second, Or Law’s fam’d Mississipi schemes, Or all the wealth of south-sea dreams. MacFingal, a Poem.

N° 13 : A ! malheureux, qui péchez sans plaisir, Dans vos erreurs soyez plus raisonnables ; Soyez au moins des pécheurs fortunés ; Et puisqu’il faut que vous soyez damnés, Damnez-vous donc pour des fautes aimables. Volt. Pucelle.

N° 14 : Quis desiderio sit pudor aut modus Tam cari capitis ? Præcipe lugubres Cantus Melpomene …. Horat. Od.

N° 15 : J’ai tout Peltier, Roulé dans mon office, en cornet de papier. Boileau, Satyre. [Boileau écrit (Pierre du) « Pelletier » et non (Jean-Gabriel) « Peltier »]

N° 16 : Pecudesque locutae Infandum ! Virg. Georg.

N° 17 : Utile est celebrandum. Grotius.

N° 18 : L’argent, l’argent, sans lui tout est stérile. Boil.

N° 19 : Ultor adstat cum flagellis Puniens nates populus. (Hymne de la dédicace.)

N° 20 : ……. Quidam, comœdia, necne Esset, quasivere …… (Horat. Sat.)

N° 21 : Ambiguus Proteus hic est, Janusque biformis. Ausone.

N° 22 : « Surgere bulla solet : brevis est tamen usus in illâ ; Namque male hærentem et nimiâ levitate caducam, Excutiunt iidem, qui perstant omnia, venti. Ovid. Métam.

N° 23 : Ah ! n’appréhendez point Rome ni sa vengeance. Corneille.

N° 24 : Vos, ô Patricius sanguis, quos vivere par est Occipiti caæco, posticae occurrite sannæ. Pers. Sat.

N° 25 : …. Pendent opera interrupta, minae que SEGUIERI ingentes. [Virgile, Énéide, liv. IV]

N° 26 : …. Nimiùm ne crede colori ; Alba ligustra cadunt, vaccinia nigra leguntur. Virg. Bucol.

Prospectus : inséré au début de chacune des  26 livraisons.

Périodicité annoncée : bi-hebdomadaire : « Il paraît les mercredi et le samedi de chaque semaine [Prospectus]. » La dernière page de la livraison 25 annonce la fin du « premier trimestre » : « N. B. MM. Les abonnés sont avertis que le premier trimestre finira au N°. 26 » La dernière page de la livraison 26 annonce que « le premier numéro du second trimestre paraîtra le 28 du courant [mai 1791] ». Le Courrier de Province – de l’imprimerie du Patriote Français lui aussi –, dans sa livraison 293 (mai 1791), annonce le « 2d trimestre » du journal : « La Légende Dorée, ou les Actes des Martyrs, pour servir de pendant aux Actes des Apôtres. 2d. TRIMESTRE. CE journal, aussi gai que patriote, est digne du succès qu’il a obtenu aussitôt qu’on l’a vu paraître. Il doit plaire aux patriotes et aux littérateurs par son motif et son éxécution. On s’abonne au bureau du Patriote Français, moyennant 7 liv. pour trois mois, 14 liv. pour six mois, et 24 liv. pour un an, pour Paris ; et 9 liv., 18 liv. et 30 liv. pour les départemns. » Nous n’avons pas accès à un éventuel second trimestre.

Périodicité réelle : bi-hebdomadaire 

Collection étudiée : vingt-six livraisons.

Pagination : continue

Nombre de pages du numéro : 16 p.

Format : « feuille in- »

Lieu d’édition : Paris

Imprimeur : « De l’imprimerie du Patriote Français, place du Théâtre-Italien. »

Souscription : « On s’abonne à Paris, au Bureau du Patriote François, Place du Théâtre Italien. Le prix de l’Abonnement est, pour Paris, de 7 liv. pour trois mois, de 14 liv. pour six mois, et de 24 liv. pour l’année. Pour les Départements, de 9 liv. 18 liv. et 30 liv. franc de port. Adresser les lettres et l’argent, franc de port, au Rédacteur de la Légende Dorée, Bureau du Patriote Français. » [Prospectus]

Contenu annoncé : « Le but de ce Journal, entrepris par une Société de Littérateurs patriotes, est de prouver aux Aristocrates que tous les rieurs ne sont pas de leur côté, et que l’on peut rire aussi dans le sens de la révolution. » (Prospectus)

Contenu réel : Il n’y a pas de rubriques à proprement parler ; le contenu est majoritairement littéraire, et varié : dialogue (Dialogue entre l’Abbé Royou et Durosoy), poésie (cantique, oraison, épigramme, etc.), théâtre (parodie de pièces, comme Les Longues Vacances, ou Le Fou par espoir, parodie de Nina [ou la folle par amour]), fable (L’âne impartial), lettres, charade, chanson, etc.

Formes du discours : le ton sarcastique à l’égard des opposants à la Révolution se manifeste par la variété des formes du discours. Les émigrés, les femmes aristocrates, le clergé et, bien entendu, le roi, sa famille et sa cour, sont tournés en dérision par, à titre d’exemple, une série de fausses questions, intitulée « Les Pourquoi » : « Pourquoi Mesdames sont-elles parties ? Que vont-elles faire à Rome ? Baiser la mule du Saint Père ? … […] Pourquoi le divorce n’est-il pas encore décrété ? pourquoi nos Prêtres s’y opposent-ils ? C’est qu’ils ont intérêt à ce qu’il y ait de mauvais ménages … » L’ironie est, au même titre, un procédé prisé par l’auteur : N° 5, « Catalogue de livres nouveaux. Traité de la Continence, 1 vol. in-12. Par l’abbé Maury. Poésies légères du sieur Durosoy, 20 vol. in-fol. On y admire le Poéme des sens, où l’on trouve tous les sens, excepté le sens-commun et le bon-sens ».

Mentions d’autres journaux :

N°6 : Journal des mécontents. « Annonce. Il vient de paraître un nouveau journal, intitulé Journal des Mécontents. Nous ne savons pas si tous les mécontents y seront bientôt abonnés, mais nous gageons que tous les Abonnés en seront bientôt mécontents. »

N° 13 : Courrier de l’Europe.

Personnages cités défavorablement : Durosoy, abbé Maury, Suleau, Royou, Mallet, d'Épremesnil, Peltier…

Contexte politique immédiat : épisodes qui ont motivé la parution d’un ou plusieurs articles :

  • 19 février : exil en Italie de Mesdames, tantes de Louis XVI (Marie Adélaïde de France et Madame Victoire).
  • 2 avril : mort de Mirabeau.
  • 4 mai : le pape Pie VI est brulé en effigie, au Palais-Royal.

Articles curieux : le ton rieur se manifeste souvent à la dernière page, grâce à une variété d’articles brefs et sarcastiques. Exemple : N° 12, « Nouvelles diverses. Paris. On assure que M. Malouet est malade d’une rétention de paroles. Des envieux traitent les Auteurs des Actes des Apôtres d’ignorants. Nous pouvons certifier qu’ils savent parfaitement l’Alphabet. […] Venise. Nous apprenons de Paris que M. Artois est ici. Worms. On nous écrit que M. de Condé a une maîtresse qu’on appelle plaisamment la Contre-Révolution. Si cela est vrai, nous pouvons assurer que la contre-révolution est ratée. »

N° 9.

Lettre de Sir John Belair à Mylord Coxomb.

M. Burke a bien raison, Mylord, la France n’est plus. Des républicains factieux ont renversé cette brillante école de la galanterie et de la politesse, et ces adorateurs fanatiques de la liberté ont placé sa statue dans le sanctuaire des graces. Les graces se sont enfuies ; puissent-elles trouver un azyle dans notre patrie, et en chasser à leur tour la liberté, leur ennemie irréconciliable.

Oui, Mylord, les graces ne peuvent regner que sous les auspices du pouvoir arbitraire ; la politesse est une espèce de sensitive, qui fuit la main trop rude de la démocratie, et qui ne peut croître et fleurir que sous l’influence féconde et les rayons vivifians du despotisme. Aussi était-elle cultivée en France avec le plus grand succès, aussi était-elle parvenue à son plus haut degré de perfection. Paris et Versailles renfermaient une foule de personnages pleins de talents brillants, qui avec un empressement inquiet, brûlaient de se pousser à la cour. Mais ce n’était ni par l’arrogance du mérite présomptueux, ni par l’orgueil révoltant de l’esprit, que leurs espérances devaient se réaliser. Sur ce théâtre où le beau sexe exerçoit son influence dominante, son goût tranchant et son pouvoir décisif, ses favoris s’élevoient à la gloire et à la fortune en acquérant ces ornements artificiels et ce poli achevé, que le tact fin de Versailles pouvait seul apprécier. On ne nommoit pas d’envoyé auprès d’une cour étrangère, qui ne pût tracer la figure compliquée d’un menuet, avec une élégante précision. Souvent le caractère relevé d’Ambassadeur, fut le prix d’un bon mot ; souvent l’art heureux de bien tourner un compliment éleva un officier au commandement des armées, ou un commis à l’intendance de la martine. La guerre et la paix dépendaient d’un caprice charmant, d’un sourire ou d’une bouderie de cette gynocratie enchanteresse ; et les beaux yeux de la Sultane regnante mirent souvent le monde en feu. Si des auteurs mal élevés avaient l’impertinente indiscrétion de censurer ce régime admirable, on les rappelait bientôt à leur devoir, et on leur donnait deux mots de leçon dans le style poli d’une lettre de cachet.

Mais ce système si beau, si sublime, est absolument détruit. Les Français négligent ces graces inimitables qui leur donneraient une supériorité marquée sur tous les peuples de l’Europe. On parle politique et constitution jusque dans les boudoirs ; les droits de l’homme et le contrat social en ont exilé Dorat et Chaulieu. On abandonne, pour l’assemblée nationale, la toilette, ce séjour des jeux et des ris, et une question constitutionnelle fixe plus l’attention qu’une mode nouvelle ou que le début d’une jolie actrice.

Tous les Français raisonnables sont désolés de la décadence de leur patrie. Mais qui doit y être plus sensible que nous autres, Mylord ? Où irons-nous jouir de la douce et brillante tranquillité du despotisme ? Qu’il était agréable de n’avoir à faire qu’un trajet de sept lieues pour se soustraire à l’insupportable tyrannie de la liberté et de l’égalité !

L’unique ressource qui nous reste, Mylord, c’est de tâcher de faire de l’Angleterre ce que fut la France. Que notre ministère redouble ses efforts, qu’il profite des leçons du sage Calonne, qu’il soudoye encore quelques écrivains de la force de M. Burke, et nous ne devons désespérer de rien. Si ces mesures ne suffisent pas, appelons parmi nous tous les Français fugitifs ou mécontents ; que l’on confie l’administration de nos finances à M. de Calonne, le commandement de nos troupes à M. de Condé, et la police de Londres à M. Lenoir ; que l’on place Madame de Polignac auprès de notre reine ; que l’on fasse M. Despréménil lord chief justice, et M. Monnier chancelier ; je vous assure que nous serons bientôt aussi esclaves, et par conséquent aussi polis que les Français l’étaient avant la révolution.