Semaines critiques (1797)

Semaines critiques (1797)

 

Type : feuille de type « Spectateur ».

Aire géographique : Paris

Année début : 1797

Année fin : 1797

Titre : Les Semaines critiques, ou Gestes de l'an [cinq , six]

Fondateurs : Joseph Lavallée (1747-1816)

Épigraphe : « Hanc aspice gentem, Romanosque tuos … Virgile (pour les quatre tomes).

Prospectus : « Préface » pour chaque tome.

Extrait de la Préface du 1er tome : « Pourquoi pas ? – Quelle folie ! On n’a jamais commencé un livre par pourquoi pas. Mais, mon cher lecteur, ce que l’on ne vit jamais ne le voit-on pas tous les jours ? À coup sûr, vous n’aviez jamais vu la Révolution (…) Serez-vous gai ? – Très gai, extravagant même quelquefois, à l’unisson du lustre. Cependant je ne jure de rien. Le style souvent contracte malgré nous le coloris des objets extérieurs (…) Parlez-vous des rois ? – Pourquoi pas ? Des rois de l’Europe ? – Pourquoi pas ?  - Vous serez donc chouan ? – C’est comme si vous disiez que je serai sans-culotte, parce que je parlerai des terroristes (…). »

Extrait de la Préface du 2e tome : « Lettre d’une dame de province au semainier, et Projet, en marge, de la réponse du semainier à la dame de province ; Le tout pour servir de préface. [Texte en deux colonnes, à gauche la lettre de la dame, à droite la réponse du semainier.] Lettre de la dame. Cen semainier, Je suis jolie, curieuse et très exigeante. Réponse du semainier. Madame, Je suis laid, bavard, et très complaisant. [Lettre :] Je lis vos Semaines avec beaucoup de plaisir. [Réponse :] J’aimerais beaucoup les passer auprès de vous que de les écrire (…).

Extrait de la Préface du 3e tome : « Eh bien ! mes chers lecteurs, voilà deux volumes terminés, et je commence le troisième. Quand je vous présentai ma première semaine, je vous vis sourire ; et vous disiez tout bas, Il n’ira pas loin. Cependant il s’en écoulé dix-huit depuis ; j’ai eu le bonheur de ne pas vous déplaire, et je suis encore en haleine. Daignez pourtant m’en croire : je ne tire aucune vanité de ce succès. Si j’ai réussi à vous amuser, je ne dois rien à mes talents ; je dois tout à l’inépuisable source d’événements bizarres, de ridicules extraordinaires (…) qui jaillit sans cesse autour de moi (…). Vous avez une révolution ; moi je veux que vous n’en ayez plus. Vous avez des montagnards ; je veux que vous n’ayez que des législateurs : des jacobins ; moi je ne veux que des Français (…). »

Extrait de la Préface du 4e tome : « Voyons : essayons de faire une préface sérieuse. Bon. M’y voici. Avant de me décider, mon cher lecteur, à vous présenter ce quatrième volume, j’ai consulté tout ce que les sages du portique ont écrit sur les qualités qui constituent un bon ouvrage. Peste ! Où prend mon esprit toutes ces gentillesses ? Poursuivons. Doit-il être triste ? Doit-il être gai ? Héraclite dit non, Démocrite dit oui. Et moi, d’après ces deux grands hommes, je dis oui et non. Rare et sublime effort d’une imaginative ! (…). »

Périodicité annoncée : « Je veux faire un livre tous les huit jours » ; « Eh ! que contiendront vos quarante-huit volumes annuels ? » Préface.

Périodicité réelle : les Semaines ne sont pas datées.

Collection étudiée : la totalité des livraisons numérisées.

Pagination : continue

Nombre de pages du numéro : À l’exception de la première Semaine qui en a 42, toutes les Semaines suivantes contiennent 48 pages. 

Lieux d’édition : Paris.

Imprimeur : « De l’Imprimerie des Semaines critiques ».

Souscription : pas d’indication.

Contenu annoncé : « Eh ! que contiendront vos quarante-huit volumes annuels ? – Tout et rien. Je parlerai des beaux esprits, ce n’est rien ; des pièces nouvelles, ce n’est rien ; de la politique, ce n’est rien ; des assemblées primaires, ce n’est rien ; de nos femmes modernes, ce n’est rien ; des députés sortants, ce n’est rien ; de la trésorerie, c’est moins que rien. Je perlerai des intrigants, c’est tout ; des voleurs, c’est tout ; des insolents, c’est tout ; des ignorants, c’est tout : je parlerai de tout ce que l’on a pensé, dit, fait, écrit, crié, chanté, proclamé, de tout ce que l’on proclamera, chantera, écrira, fera, pensera ; je dis que le siècle a commencé par la Henriade, et fini par le Poème des Francs. N’est-ce pas dire tout et rien ? » Préface, 1er volume.

Contenu réel (rubriques) : Pas de rubriques. Chaque livraison prend la forme d’une réflexion continue tout au long de ses 48 pages. La transition d’un sujet à un autre ne se caractérise pas par un titre de rubrique distinct. La réflexion de l’auteur n’est rarement interrompue que par, tantôt des lettres adressées au rédacteur, qui commencent toutes par : « Citoyen Semainier », tantôt des morceaux de poésie. Cependant, le contenu est régulier : réflexion politique et philosophique sur, à titre d’exemple, « la liberté » et « la raison » ; critique de l’actualité littéraire et culturelle (parutions littéraires, nouveaux spectacles).

Formes du discours : la réflexion du rédacteur est préparée et/ou suivie par des dialogues, récurrents dans les Semaines. Les lettres qui lui sont adressées contribuent en outre à la mise en place de l’image du journaliste et du citoyen qui échange, et réfléchit, avec son lectorat. Les réflexions de Lavallée, les dialogues (réels ou imaginaires) ainsi que les lettres sont empreints de critique sévère à l’encontre des défauts et vices de la société de son temps.

Orientation politique : Louis Joseph La Vallée dit appartenir au parti de l’opposition. Néanmoins, rares sont les indices qui permettent d’identifier l’orientation de cette opposition. Opposant aux jacobins et à la politique du Directoire, il l’est également au ridicule, à « l’oisiveté générale », au mensonge, etc. Ses réflexions ne laissent guère penser qu’il s’agit d’une opposition idéologique inscrite dans une ligne prédéfinie.

Contexte politique immédiat :

27 mai : exécution de Gracchus Babeuf, rédacteur du Tribun du peuple.

4 septembre : journée du 18 fructidor an V, le Directoire met fin aux ambitions des royalistes de rétablir la monarchie.

 

Articles curieux :

L’INCONSÉQUENCE FRANÇAISE.

Deux ans avant la révolution,

Un beau matin tout à coup survenu,

Au théâtre, partout, il n’était question

Que de HENRI : saluer sa statue

Était même, on le sait, une obligation.

Or, du Français voyant cette idole abattue,

Un passant, pris de vin, s’écria stupéfait :

Il est fort celui-là ! quoi ! le bon Henri-Quatre !

Depuis deux ans, qu’a-t-il donc fait

Pour qu’on vienne aujourd’hui l’abattre.

                                                      GUICHARD.

(T. II, Semaine XI)

 

Imprimeras-tu cette traduction ? me disait un de mes amis. – Pourquoi pas ? – Ils diront que tu du parti de l’opposition. – Ils ne sauront ce qu’ils diront. Les flatteurs : voilà le parti de l’opposition. Les gouvernements, en calculant leurs forces, ne comptent jamais les hommes qui leur disent la vérité. Ils ont bien tort : avec des soldats, ils peuvent vaincre le monde ; mais l’armée des hommes véridiques leur assure la conquête du temps ; et le temps est le plus grand ennemi des empires.

(T. I, Semaine III)