Annonces de bibliographie moderne

Annonces de bibliographie moderne

Titre :

Annonces de bibliographie moderne, ou Catalogue raisonné et analytique des Livres nouveaux.

Dates, périodicité :

Début : 6 janvier 1790 ; arrêt : environ novembre 1790. Périodicité bi-hebdomadaire : Ce Journal paroîtra régulièrement tous les mercredis et samedis à compter du 6 Janvier 1790”. Une édition mensuelle réduite est préparée pour les librairies à l’étranger : P. Fr. Fauche la distribue à Hambourg, ou via ses commissionnaires de Leipzig, les  “Frères Gräff” :  “Fauche […] invite tous les amateurs de la littérature françoise, qui veulent être au courant des meilleures productions qui paroissent en France, à tenir cette feuille, dont il paroît un numéro chaque mois, et qui se délivre gratis chez lui” (Staats und gelehrte zeitung, 22 avr. 1790, p. (5-6) ; les Avis des A. sont répétés plusieurs fois dans le quotidien hambourgeois : 16 avr. ; 22 mai ; 28 mai ; 22 juin ; dans les livr. du 22 et du 28 mai est ajoutée la liste des ouvrages publiée dans le cahier du mois d’avril).

Description de la collection (éd. principale) :

Cahiers in-8° (13x21 cm) de 16 p. Division par trimestre ; pagination continue qui recommence au début du trimestre. Les numéros des livres, en chiffres romains, sont indiqués en bas de la première page, à la signature des feuilles. Au total : 27 numéros par trimestre, dont les 24 premiers de texte (chacun de 16 p.), et les 3 derniers de Table alphabétique (de 4 à 8 p.). Ier trim. : janv.-mars 1790 ; IIe trim. : avril-juin 1790. Le IIIe trim. (t. III du recueil : juil.-sept. 1790), s’arrête au cahier n° X correspondant, selon le calendrier et la périodicité indiquée, à la livraison du 4 août (voir infra). Une erreur typographique à la p. 145 – la première page du dernier cahier – indique Tome III, N.° V”, au lieu de “Tome III, N.° X” ; pour cette raison, la plupart des catalogues et des répertoires bibliographiques indiquent en 5 numéros le contenu du t. III du journal. Les annonces des deux premiers cahiers ne sont pas numérotées ; un avis à la fin du cahier n° II (t. I, p. 32) informe de la décision de doter le journal d’une Table alphabétique trimestrielle et de “cotter [sic] chaque article pour la facilité de cette table, à commencer au troisième numéro. Les deux premiers et le Prospectus contiennent ensemble 69 Annonces”.

Édition, abonnements, souscriptions, diffusion, ventes :

“À Paris, chez Lavillette, Libraire, Hôtel de Bouthilliers, rue des Poitevin[s, n°13], 1790”.

Le t. I du journal est imprimé par Jacob Sion (1760?-18..), “rue St. Jacques, près celle de la Parcheminerie, N.° 251” (t. I, p. 407) ; dans les t. II et III il n’y a plus mention d’imprimeur.

“On pourra s'abonner pour 1, 2, 3, 6 mois ou un an, aux conditions suivantes :

 Paris.                          Provinces.

1 mois,,   2 liv.           1 mois,  2 liv. 5 s.

2 mois,    3 liv. 10 s.   2 mois,  4 liv. 

3 mois,    5 livres.       3 mois,  5 liv. 15 s.

6 mois,    9 livres.       6 mois,  10 liv. 10 s.

1 an,       18 liv.          1 an,     21 livres.

Les numéros parviendront exactement franc de port” (Prospectus, t. I, p. 4, pagin. à part).

Le Prospectus (in-8°, 8 p.) est placé au début du t. I ; le Journal Encyclopédique (15 mars 1790, p. 513) en publie un extrait ; le même journal, deux ans plus tard (10 mai 1792, p.138), fournit également un bref compte rendu des A.

Diffusion : surtout “à Paris et dans la province”. À Hambourg, pour l’Allemagne et pour les “librairies du Nord” le distributeur est Fauche, qui “délivre gratis” une éition mensuelle (voir supra).

Bureau du journal, abonnements, distribution principale et ventes : chez l’éditeur, l’imprimeur-libraire Joseph-Étienne Legrand-Lavillette (17..-1827) : “MM. les Libraires et Auteurs de Paris et de province sont priés d’adresser, franc de port, un exemplaire de chaque ouvrage qu’ils mettront en vente, avec le prix fixé, à la Villette, Libraire, […] où est établi le bureau de souscription. On souscrira également chez tous les Libraires de Paris et de province” (ibid.). Dans une présentation de la Chronique de Paris (23 janv. 1790, p. 89), le contenu et les destinataires des A. sont bien résumés : l’“ouvrage […] se borne à la nomenclature des livres qui paroissent. Ceux qui les font, ceux qui les lisent, ceux qui les vendent, sont également intéressés”. Parmi les destinataires du journal, dans un autre avis (A., t. I, p.16), Lavillette ajoute : "tous les Bibliothécaires du Royaume".

Fondateurs, collaborateurs, contributeurs :

Éditeur et directeur de publication : Joseph-Étienne Legrand-Lavillette. Demeure inconnu le rédacteur des “analyses” des ouvrages : “un seul homme”, selon Charles-Louis Aubry (Feuille de correspondance du libraire, 1791, n° I, p. (3); voir aussi Journal de Paris, 19 juin 1791, Suppl. n° 73, p. 2).

Contenu, rubriques, centres d’intérêt :

Contenu annoncé :

   “Un journal qui se charge d’annoncer les ouvrages”.

   “Dans un temps où la liberté de la presse donne naissance à une infinité de productions de tous les genres, il n'est presque personne, soit à Paris, soit en province, qui, par raison d'intérêt, ou par pure curiosité, ne desirât connoître tous les Ouvrages qui paroissent journellement ; or un catalogue raisonné et analytique peut seul en donner une connoissance exacte et prompte” (Prosp., p. 1).

   “Le journal que nous proposons aujourd'hui, destiné à ce seul objet, présente un grand avantage, celui de faire connoître, à mesure qu'ils paroîtront, les grands ouvrages, les brochures, les feuilles périodiques, etc., d'en favoriser le débit aux Auteurs et aux Libraires, et d'en faciliter le choix aux lecteurs […]. Lorsque le nombre des ouvrages qui auront été mis nouvellement en vente ne fournira pas assez de matière pour remplir notre feuille, nous la completterons par des annonces de livres qui auront précédé l'établissement de notre journal” (ivi, p. 2).

   “Nous donnerons, avec l'analyse , qui sera toujours impartiale, le titre de l' ouvrage, et l'adresse du Libraire si elle s'y trouve, nous indiquerons le format, le nombre de volumes ou de feuilles, et le prix” (ivi, p. 3).

Contenu réel :

Les 64 numéros de la collection - y compris le Prospestus, contenant 6 annonces - offrent un total de n° 1171 notices bibliographiques : 630 dans le t. I (561 numérotées et 69 non numérotées); 407 dans le t. II ; 134 dans le t. III. Normalement, elles sont accompagnées d’articles (“critiques”, “jugements”, “analyses”) de longueur très variable, de quelques lignes jusqu’à quatre pages de texte. Les commentaires sont en principe compétents et attentifs, et le ton reste généralement mesuré : “Ces analyses […] sont faites avec impartialité, souvent avec esprit, et bon nombre d'entre elles fournissent des indications précieuses sur le contenu de la brochure décrite” (Tourneux, p. XXIX). Bien que Delalain s’en plaigne (p. III), les références bibliographiques des A. sont en général assez complètes. Le journal offre un panorama des ouvrages publiés – surtout à Paris – en 1790, jusqu’à la mi-octobre. Il s’agit pour la plupart (87% du total, 1020 titres) d’ouvrages strictement liés à l'actualité politique, historique et économique française ; courts écrits, “pamphlets” et “brochures” dont la liste, même en se limitant à la forme de présentation, demeure cependant imposante et offre une mesure appropriée de la complexité du processus de changement en cours et de l’intensité du débat qui l'accompagne : examens ; discours ; rapports ; projets ; mémoires ; réflexions ; commentaires ; galéries ; défenses ; réponses ; répliques ; étrennes ; procès ; protestations ; denonciations ; propositions ; observations ; réfutations ; lettres ; sermons ; apologies ; plaidoyers ; apothéoses ; épîtres ; motions ; appels ; hommages ; adresses ; exhortations ; plans; moyens; coups d’œil ; tableaux ; plaintes; idées ; jugements ; doléances ; confessions ; leçons ; précis ; instructions ; opinions. La remarque de Delalain (p. III) est correcte : “la lecture des deux [trois !] tomes, qui se rapportent à l’année 1790, prouve que, pour cette année, la production littéraire fut peu considérable, et qu’à cette époque, il paraissait plus de brochures, pamphlets et libelles, que de grands ouvrages”.

Les annonces restantes se réfèrent à des titres appartenant à des genres différents, avec une prévalence pour la fiction, les essais et manuels historiques et les traités scientifiques. Lorsque une publication est jugée “indigne d'occuper une place dans nos annonces”, la rédaction la censure (t. I, p. 331). Les annonces privées ne sont acceptées que rarement (t. II, p. 112 ; p. 237). Il n'y a pas de rubriques, seuls les imprimés sont regroupés dans des sections distinctes : “Cartes” ; “Musique” ; “Gravures” ; “Dessins” ; “Géographie”.

 La présence de journaux et de périodiques divers est importante et significative :

- Prospectus du Courier patriotique (t. I, p.18 ; p. 53) ;

- Prospectus du Confident patriote (t. I, p. 20) ;

- Mercure National, ou Journal d’état et du Citoyen (t. I, p. 21) ;

- Éphémérides de l’humanité (t. I, p. 26) ;

- Les Révolutions de Paris (t. I, p. 27) ;

- Journal général de commerce, de politique et de littérature, dont le quart du produit annuel est destiné à la caisse patriotique, agrée par l’Assemblée Nationale (t. I, p. 36) ;

- Le Solitaire des Tuileries (t. I, p. 55) ;

- Journal des trois Bossus (t. I, p. 56) ;

- Le Furet Parisien (t. I, p. 58) ;

- Journal des réclamations (t. I, p. 88) ;

- Les Déjeuners, “se continue sous le titre des dîners” (t. I, p. 115) ;

- La bouche de fer, “au bureau du cercle social” (t. I, p. 116 ; p. 351) ;

- Journal en Vaudevilles des débats et des décrets de l’Assemblée Nationale (t. I, p. 117) ;

- Annales de France (t. I, p. 127) ;

- Esprit des séances des États-Généraux, contenant l'extrait des discours, motions, débats, événemens et décrets de I'Assemblée Nationale ; et Table analytique et raisonnée des Journaux rédigés, par MM. de Mirabeau ; Rabaud de Saint-Étienne , actuellement connu sous le nom de M. le Hodey de Saulche-Vreuil, et de celui intitulé le Point du Jour, par M. Barrere de Vieuzac (t. I, p. 138; t. II, p. 80) ;

- Code universel et méthodique des loix qui régissent la France depuis 1789 (t. I, p. 171; t. II, p. 150) ;

- Le Fouet National (t. I, p. 192 ; t. II, p. 77) ;

- Journal des Municipalités et assemblées administratives de tous les départemens et Districts du Royaume (t. I, p. 197) ;

- Courrier de la Patrie, ou Journal des Municipalités, Assemblées Provinciales, Districts et garde Nationale de France (t. I, p. 215) ;

- Indicateur des Mariages (Avis important à tous les Célibataires, aux pères et aux mères, (t. I, p. 224) ;

- Journal d’Agriculture, à l’usage des Campagnes (t. I, p. 232) ;

- Le voyage de l’opinion dans les quatre parties du monde (t. I, p. 245) ;

- Le Philanthrope (t, I, p. 282) ;

- Journal de la mode et du goût, ou Amusemens du salon et de la toilette (t. I, p. 292);

- Bibliothèque de l’homme public (t. I, p. 298) ;

- L’Observateur féminin (t. I, p. 306) ;

- Le Précurseur de l’opinion, ou Tableau périodique de la France et des cours étrangères (t. I, p. 312) ;

- Bibliothèque des grands-hommes, ou Journal de musique, de théâtre et de concert (t. I, p. 313) ;

- Le Tribun du peuple, ou Recueil de lettres de quelques Electeurs de Paris avant la révolution de 1789 ; pour servir d'introduction aux feuilles de la Bouche de fer (t. I, p. 351; voir t. I, p. 316) ;

- Journal gratuit, par une société de gens de lettres. (t. I, p. 366) ;

- Aux voleurs, aux voleurs (t. II, p. 10) ;

- Le Défenseur de la liberté, ouvrage patriotique (t. II, p. 17) ;

- Annales de l’éducation du sexe, ou Journal des Demoiselles (t. II, p.18) ;

- Journal de la Société de 1789. Prospectus (t. II, p. 54) ;

- Le Réviseur, ou l’Esprit des journaux, feuilles périodiques, papiers-nouvelles et pamphlets (t. II, p. 67). Ce journal est lié à l’activité d’un cabinet de lecture inauguré le 1er avr. 1790 et spécialisé en périodiques,rue des Fossés-Saint Germains-des-Prés, n°.39, où l'on souscrit pour le journal” ; y sont associés “[Jacques] Desray, libraire, quai des Augustins, n°.39”[(1763-1821)]; “la veuve Guillaume, libraire, rue Saint-Honoré” ; “[François-Charles] Gattey [(1756-1794)] et [Victor] Desenne, au Palais-Royal [(175.-18..?)]”.

- L’Anti-fanatique ; journal de bienfaisance, et d’humanité (t. II, p. 89) ;

- Prospectus d’un nouveau journal qui va paraître sous les auspices d’une […] Société philodémocratique (t. II, p. 97) ;

- Le Pégase de Voltaire (t. II, p. 98) ;

- Lettre à M. le comte de B** sur la révolution arrivée en 1789, avec des notes sur les ministres et les gens en place qui, depuis le règne de Louis XV jusqu'à présent, ont donné lieu à cette révolution mémorable par des déprédations ou des abus d'autorité. (t. II, p. 107) ;

- La chronique du manège (t. II, p. 118) ;

- Annales instructives, ou Journal des découvertes en tout genre (t. II, p. 150 ; t. I, p. 171 : Code universel des loix qui régissent la France depuis 1789) ;

- Journal du département de Seine et Marne et des cinq districts qui en dépendent, Melun, Meaux, Provins, Nemours et Rozoy (t. II, p. 162) ;

- Journal des Enfans (t. II, p. 196) ;

- Instructions et Observations sur les maladies des animaux domestiques. Prospectus d’“un Ouvrage à faire suite à l’Almanach Vétérinaire” (t. II, p. 203) ;

- Journal historique et politique de constitution, de législation, d'administration, des tribunaux et de police, avec des observations sur l'agriculture, le commerce et l'industrie (t. II, p. 215) ;

- Journal de tous les Tribunaux de France (t. II, p. 133) ;

- Cours d’Architecture rurale (t. II, p. 134) ;

- Annales civiles, politiques et littéraires (t. II, p. 245) ;

- Le Gazetier cuirassé (prospectus : t. II, p. 298) ;

- L'Historiographe national ou Gazette militaire, spécialement destinée aux soldats citoyens (t. II, p. 301) ;

- Journal du Département de Meurthe, (Nancy) (t. II, p. 316) ;

- Le Républicain, journal libre des principaux événemens de la révolution Française et de l'Europe (t. III, p. 38) ;

- Le véritable Ami des hommes, de toutes les Nations et de toutes les conditions ; journal libre et impartial (t. III, p. 56).

Localisation, collections connues, exemplaires rares :

Exemplaire étudié : Princeton University Library : 04201.122 ; 3 t. (I, II, III) en 1 vol. :

t. I : antiporte ; frontispice ; Avis de l’éditeur ; p. (1)-8 (Prosp., pagin. a part) ; p. (1)-407 (Table alphabétique, p. 385-407).

t. II : antiporte ; frontispice ; p. (1)-404 (Table alphabétique, p. 385-404).

t. III : p. (1)-160.

Les autres exemplaires (complets) décrits dans les catalogues et dans les répertoires bibliographiques ont la même consistance.

Historique :

Début :

   Même si Maradan (Prospectus du Journal de la librairie) avait envisagé d’en poursuivre la publication, le Journal de la librairie de Philippe-Denys Pierres, cesse en décembre 1789 ; Lavillette profite de cette vacance pour lancer ses A. Le journal devient le pivot autour duquel le jeune entrepreneur organise et développe son travail de libraire-commissionnaire, travail qu’il avait déjà effectué de manière intensive à Kassel entre 1783 et 1785. Mais si en Allemagne il s'était basé sur la publication d'un catalogue de librairie constamment mis à jour par des “bulletins” mensuels, à Paris il choisit de lancer un périodique dédié, capable de mieux s'adapter au rythme vertigineux et à l'extrême vivacité qui caractérisent l'édition parisienne en 1790. Pendant ces mois, son activité professionnelle s’accompagne et, parfois, croise dangereusement celle de “soldat-citoyen”. Depuis septembre 1789, Lavillette est en effet commandant du bataillon des Cordeliers de la Garde nationale, et il se sert de Jacob Sion (1760?-18..) - “imprimeur de la ferme des messaggeries royales” – non seulement pour les A., mais aussi pour l’impression de brochures et de documents du bataillon et du Comité militaire, organisme qu’il préside (voir De Cock, vol. II, p. 481, qui renvoie à BnF, ms. LB40-1381). Dans l’“analyse” de l'Appel à la Nation de Marat (t. I, p. 349), sont brièvement rappelés les événements dramatiques du 22 janv. 1790, avec la tentative d'arrestation de “l’Ami du peuple” à l'Hôtel de la Feutrière. En tant que commandant de bataillon, Lavillette y a participé ; cela explique, évidemment, l’“anathème” virulent que L’Ami du peuple lui lance quelques mois après (24 nov. 1790, p. 1-5). Avec un ton plus modéré mais pas avec moins de force, la rédaction des A. rend la pareille à Marat dénonçant toujours ses “infâmes projets” et critiquant avec amertume le caractère “incendiaire” de ses interventions (voir t. I, p. 72 ; p. 106 ; p. 349 ; t. II, p. 84).

   Dans un Avis de l’éditeur, Lavillette souligne l’originalité d’un “journal presenté sous une nouvelle forme”, capable de “faire connoître promptément” les ouvrages publiés – donc, de réaliser une bibliographie courante signalétique - en y ajoutant toutefois des “analyses” descriptives et des commentaires. Le produit final envisagé doit consister en la réalisation d’un “catalogue raisonné et analytique” constamment mis à jour, qui puisse également servir de guide de lecture. Par rapport à ses prédécesseurs plus proches et plus remarquables - tout d'abord, le Catalogue hebdomadaire et le Journal de la Librairie - l'élément le plus novateur du périodique de Lavillette consiste précisément dans cette tentative – partiellement réussie, malgré la courte durée du journal – de rechercher un point d’équilibre entre exigences commerciales de vente et qualité “savante” des contenus offerts. Un aperçu chronologique des périodiques pionniers de la bibliographie française jusqu'en 1811 est proposé par J.-D. Mellot  et A. Boyer.

Cessation :

   Une recherche sur les dates d’édition des ouvrages présentés dans les derniers cahiers des A. circonscrit une période allant du mois d'août à la mi-octoobre 1790. Il faut donc placer l'arrêt du journal vers la fin de ce mois ou en novembre 1790. Ce délai temporel démontre également comment la feuille de Lavillette., en particulier dans ces derniers numéros, a subi des retards et a rencontré des difficultés croissantes. À l'origine du brusque et soudain arrêt des A. (sceaux apposés?), il y a presque certainement les déboires financiers, personnels et professionnels, de Lavillette : “60 mille livres de dettes” et “fournisseurs escroqués”, suivant la dénonciation véhémente de L’Ami du peuple (24 nov. 1790, p. 2), qui attribue les problèmes de l’entrepreneur à son ambition, à sa désinvolture imprudente et à sa débauche : “les gueuletons, les filles, les voitures, les spectacles, et le jeu, ont noyé de dettes ce petit parvenu” (ivi, p. 3). Mais, au moins pour ce qui concerne les A, il est également plausible que leurs ventes aient été diminuées par des concurrents mieux organisés. En effet, en juin 1791, quelques mois après la cessation du journal, son projet éditorial, développé et amélioré, est repris par un autre éditeur, l’imprimeur-libraire Charles-Louis Aubry (1746-1817), qui lance la Feuille de correspondance du libraire : “Cette Feuille [est] destinée à remplacer les Annonces de Bibliographie moderne, interrompues depuis six mois, et qui étoit le seul journal de ce genre […] On compte fournir six à sept mille annonces dans le cours d’une année tandis que les Annonces Bibliographiques en fournissoient deux mille et le Journal de la Librairie quinze cents seulement” (Feuille de correspondance du libraire, 1791, n° I, p. 3). Pour ce faire, Aubry élimine souvent ou réduit drastiquement les commentaires et les textes de présentation, et lorsqu'il republie des notices déjà parues dans le journal de Lavillette, il utilise presque toujours des paragraphes extraits des “analyses” des A., citant parfois la source, parfois non. Enfin, dans les premiers numéros de la Feuille de correspondance son éditeur se qualifie de directeur d’un “Cabinet Bibliographique, rue de la Monnoie n° 5, pour tous les ouvrages de Librairie”, où l’“on conserve soigneusement […] les adresses de cinquante mille ouvrages ; les personnes qui désireront s’épargner des recherches souvent infructueuses, sont invitées de s’y adresser” (ivi, p. 2 ; voir aussi Hesse, p. 183). Le Cabinet d’Aubry, en concurrence avec l'activité (et le journal) de Lavillette, est ouvert et actif depuis l’été 1790 ; le Mercure de France l’annonce en août (p. 72) : “ce nouvel Etablissement, renferme une Collection presque complète des titres des livres publiés depuis quarante ans, avec les noms des Libraires qui tiennent ces Livres, leur prix et leur format. Le Répertoire des anciens Livres n’est pas moins complet ; il offre des notions exactes sur les éditions, leur mérite, très souvent sur leur prix. Les Personnes qui veulent se former une Bibliothèque, y trouveront des connoissances sur tous les livres qui traitent les matières auxquelles elles s’adonnent, et les facilités de se les procurer”. Dans une autre annonce (Journal de Paris (23 déc. 1790 (suppl.), p. iv), on précise que le Cabinet Bibliographique, “ouvert tous les jours”, “correspond particulièrement avec les Provinces et les pays Etrangers” et accepte les abonnements à tous les journaux ; il possède également un “répertoire perpétuel de tous les livres” et peut “faciliter à toutes personnes l’achat de leur livres”. Aubry n’est pas le seul entrepreneur associé à ce “nouvel Etablissement” : au même Cabinet fait référence l’activité du libraire-relieur René-François “Fétil, rue de la Harpe” (172.-1799?), un spécialiste des “livres dépareillés” pour lesquels il “fait imprimer une Feuille particulière” (Feuille de littérature. Livres demandés) ; de l’imprimeur-libraire [Martin-Sylvestre] Boulard, “rue Neuve Saint-Roch n° 51 [(1748-1809?)]”, expert en livres “neufs ou de hasard” et auteur en 1804 d’un Traité élémentaire de bibliographie ; encore, de l’imprimeur-libraire Laurent-François Prault (174.-18..), qui s’occupe en particulier des éditions administratives, et vend séparément "les décrets sanctionnés” de l’Assemblée nationale que la Feuille de correspondance joint à chaque nouvelle livraison (Feuille de correspondance, 1791, Avis, p. 2).

Histoire de la bibliographie : Delalain (p. III) utilise les notices des A. et insère le journal de Lavillette dans la liste de ses sources primaires ; Quérard et Hatin y recourent également. Tourneux lui consacre un paragraphe (p. XXVIII-XXIX).

Bibliographie

Chronique de Paris, 23 janv. 1790.

Journal Encyclopédique, 15 mars 1790.

Staats und gelehrte zeitung des hamburgischen unpartheyischen correspondenten, 16 et 22 avril 1790 ; 22 et 28 mai 1790 ; 22 juin 1790.

Mercure de France, août 1790.

L’Ami du peuple, 24 nov. 1790.

Journal de Paris, 19 juin 1791, Supplément.

Feuille de correspondance du libraire, 1791, n° I.

Wilhelm Fleischer, Dictionnaire de bibliographie française, Paris, au Bureau de Bibliographie française, 1812, vol. 1, p. XXV ; ivi, p. 462-463.

Joseph-Marie Quérard, La France littéraire, Paris, Firmin Didot, 1827-1839.

Eugène Hatin, Bibliographie historique et critique de la presse périodique en France, Paris, Firmin Didot, 1866.

Maurice Tourneux, Bibliographie de l’histoire de Paris pendant la Révolution française, Paris, Imprimerie nouvelle, 11, rue Cadet, 1890, vol. I, pp. xxviij-xxix.

Paul Delalain, L’Imprimerie et la Librairie à Paris, Paris, Librairie Delalain Frères, (1900).

Carla Hesse, Publishing and Cultural Politics in Revolutionary Paris, 1789–1810, Berkeley-Los Angeles-Oxford, University of California Press, 1991.

Jacques De Cock, Les Cordeliers dans la Révolution, Lyon, Fantasques Éditions, 2002.

Jean-Dominique Mellot, Anne Boyer, Avant la bibliographie nationale française : pionniers et prédécesseurs, du XVIe siècle à 1811, 2011, hal-00738455.

Fabio Marinai, «Fra Ancien Régime e Révolution: disgrazie e fortune di un imprimeur-libraire, Joseph-Étienne Legrand-Lavillette (17../1827)», Rivista di letterature moderne e comparate, vol. LXXIII (1/2020), p. 21-41.

Auteur

Fabio MARINAI