Le Questionneur anglais

Le Questionneur anglais
 
 Les titres secondaires des brochures sont :
 
Brochure 1 : Introduction. B. 2 : Préliminaires. B. 3 : Principes. B. 4 : Application. B. 5 : Les Excès. B. 6 : Suite des Excès.  B. 7 : Étonnements. B. 8 : Seconde suite des Excès. B. 9 : Troisième suite des Excès. B. 10 : Suite du précédent. B. 11 : Ordres intermédiaires. B. 12 : Suite du précédent. B. 13 : Aristocratie. B. 14 : Aristocraties indestructibles. B.  15 : La Raison. B. 16 : Destructions. B. 17 : Destructions. B. 18 : Les Jacobins ou la démocratie populacière ; B. 19 : Les Feuillants ou la démocratie royale.
 
Le lecteur a donc accès à dix-neuf brochures, et non vingt (selon Hatin). Nous ne trouvons d’ailleurs, dans ces brochures, aucune mention du titre donné par Hatin, Étrennes aux Parisiens, par un étranger. Le dernier numéro connu se termine comme les autres : « (fin du dix-neuvième numéro.) » ; rien n’indique qu’il s’agit de l’ultime élément de la série. Aucune datation ne nous permet d’établir une périodicité certaine de rédaction ou de publication. Aucune information n’est non plus disponible quant au prix ou à la diffusion, ; absence sans doute due à l’abandon précoce du projet par son auteur. Ce statut particulier du Questionneur anglais n’en fait pas un journal comme les autres ; il s’agit plutôt d’un épisode fugace, mais non négligeable, de la presse royaliste et réactionnaire pré-conventionnelle. Adepte de la réaction par les mots, comme arme noble pour affronter la Révolution et sa presse ; conscient de l’extrême difficulté de sa mission, Le Questionneur anglais, à l’image de la presse royaliste modérée, n’a connu qu’une brève existence, timidement révoltée.
 
Le titre reflète une admiration du modèle anglais, laquelle est d’ailleurs présente dans de bon nombre de feuilles réactionnaires. Ce titre est à associer avec Mallet du Pan – à l’origine de l’engagement de Cornuaud dans la rédaction du Questionneur – qui a séjourné en 1778 en Angleterre, où il s’est s’imprégné de la culture politique locale (les références à Cromwell sont nombreuses dans le Questionneur). Cornuaud avance les mêmes arguments que la plupart des feuilles royalistes pour discréditer la Révolution – « machine politique […] unique en son genre » (1er numéro, p. 7) – : abolition de la hiérarchie, destruction des ordres intermédiaires (la noblesse), dédain de la religion, sacralisation d’une égalité parfaite qui n’est qu’une chimère politique. Le Questionneur ne se contente pas de diagnostiquer, mais propose des solutions afin de remédier au chaos dans lequel plonge la France : une correction et un changement graduel, le rejet des extrêmes, une constitution inspirée du modèle anglais, et la monarchie constitutionnelle (dont Mallet du Pan est partisan). Cette position illustrée par le n° 19, qui attribue à « Louis seize » le rôle d’un « père bien intentionné » pour sa grande famille qu’est le peuple. Le Roi est, au fond, un « Roi citoyen » (n° 19, p. 6), vérité rejetée par les révolutionnaires. L’expression porte un espoir politique régulièrement exprimé par Cornuaud, dont les brochures défendent une rencontre possible entre le peuple et la monarchie : un peuple obéissant et un Roi bienfaisant.
Le numéro 15, La Raison, illustre bien la révolte du Questionneur. Par un interminable interrogatoire, la raison est sommée de répondre de ses malheurs.
 
« PAUVRE RAISON ! Que viens-tu faire en France ? Je te croyais indignée [...] Mais, parle, que leur diras-tu [aux citoyens] qu’ils ne voient déjà ? [...] Leur montreras-tu ce bon roi esclave lui-même, pour avoir voulu rendre ses sujets libres et heureux ? [...] que tous les propriétaires qui n’ont pas lâchement fléchi le genou devant la tyrannie démagogique, parce qu’ils n’ont pas voulu la partager, sont ou massacrés, ou ruinés, ou fugitifs ? [...] que tous les officiers qui n’ont pas voulu obéir à leurs soldats, renoncer au serment de fidélité qu’ils avaient librement fait au roi, et en faire de contradictoires dans les mains des destructeurs de l’autorité royale, ont été forcés de s’enfuir, de renoncer à leur unique vocation, et de chercher ou la vengeance, ou une nouvelle patrie ?  […] Leur diras-tu que l'or et l’argent se sont enfuis du royaume avec la justice, la confiance et la sûreté, et que le misérable papier qui les remplace, fruit de la rapacité démagogique, est tombé dans le plus grand discrédit, malgré son hypothèque vraie et apparente ? […] Leur diras-tu que leur armée est dévorée par l'insubordination et l’indiscipline ; leur marine incapable de se mesurer désormais avec celle de l’Angleterre, leurs colonies prêtes à leur échapper, et avec elle une vaste branche du commerce le plus lucratif, et qui fait vivre ou enrichir des millions de Français ? […] Enfin, oseras-tu leur dire que l’unique, mais infaillible remède à tant de maux présents et à venir, est de rendre au monarque sa liberté, son armée et son autorité souveraine ? Oui, tu l’oseras, et les bons citoyens seconderont de leurs vœux ton courage ; mais les têtes exaltées et ceux qui les dirigent, au lieu de devoir leur propre salut à eux-mêmes dans la cessation de leurs excès, et dans les sages avis, continueront de sacrifier la nation française à leurs chimères ambitieuses, jusqu’à ce que l’effet de tes prédictions, malheureusement trop certaines, les ait écartés avec elle. »
 
 Voir également notice sur Isaac Cornuaud
 
Sources

  • CHERBULIEZ Émilie. Mémoires de Isaac Cornuaud sur Genève et la révolution de 1770 à 1795 : publiés avec notice biographique. Genève : A. Jullien, 1912.
  • HATIN Eugène. Bibliographie historique et critique de la presse périodique française […]. Paris : Firmin Didot, 1866. p. 234
  • Le Dictionnaire historique de la Suisse
  • data.BnF.fr
  • Worldcat

 
[Ghazi Eljorf]