Les Journaux de 1789

Pierre Rétat, Les Journaux de 1789. Bibliographie critique


Paris, Éditions du CNRS, 1988

mis en ligne avec l’aimable autorisation de l’auteur


Principes et méthode

Le projet qui aboutit à cet ouvrage n’était pas primitivement bibliographique. Le Centre d’Etudes du XVIIIe siècle de l’Université Lyon II, Unité Associée 1038 au CNRS, a engagé, en 1984, un programme à moyen terme sur les journaux de l’année 1789. Un inventaire complet, et aussi sûr que possible, était une condition préalable de toute analyse des textes et de toute exploitation du corpus. Un travail considérable de vérification, de mise au point des inventaires antérieurs, de datation, de localisation, de description des journaux (dans les limites que nous tracerons plus loin) risquait d’être perdu pour les historiens de la presse s’il ne donnait pas lieu à une publication propre. Il a été accompli dans l’intention, à la fois précise et ambitieuse, de comprendre les origines du journal révolutionnaire, le moment crucial où le système ancien de l’information a éclaté sous la pression des événements. Cette bibliographie n’a donc jamais été conçue comme un instrument inerte d’inventaire et de classification. Les questions que nous posions au journal en ont d’emblée fixé la forme et les finalités analytiques. Les réponses que nous en avons obtenues formeront un volume directement fondé sur celui-ci, écrit en collaboration avec Cl. Labrosse, et qui paraîtra prochainement : 1789. Naissance du journal révolutionnaire.

Pourquoi une bibliographie "critique" ? Dans une tradition qui est surtout anglo-saxonne, ce type d’ouvrage fait suivre la mention des livres et articles recensés d’un bref commentaire analytique et appréciatif. Notre inventaire nous paraît mériter cette épithète à plusieurs égards. Les journaux révolutionnaires forment un ensemble textuel extrêmement complexe, l’origine et la chronologie en sont parfois difficilement assignables, les collections tardivement complétées, la forme primitive parfois effacée... Une vérification systématique de tous les caractères formels s’impose donc, une attention doit y être portée que les bibliographes antérieurs n’ont en général pas consentie. Une lecture intégrale ou quasi intégrale des journaux parisiens nous a permis de remettre en cause des données couramment admises, de situer les journaux dans une grille chronologique fine, de préciser leur position politique et idéologique, de fournir la base d’une classification des types journalistiques. Nous avons été amené dans certains cas à collationner les textes, par exemple ceux de l’édition originale du Moniteur et de ses prétendues "réimpressions", à confronter les textes d’éditions parisiennes originales et de réimpressions ou de contrefaçons provinciales (Courrier de Gorsas, Bulletin de Maret). Nous avons dû procéder à une réflexion méthodique sur l’appartenance de certains titres au corpus, sur les critères de sélection des périodiques, sur les relations qu’entretiennent entre elles des collections à l’histoire obscure. Une épreuve critique du corpus s’impose tout particulièrement lorsque se produit une explosion du journal aussi extraordinaire et aussi anarchique qu’en 1789.

Il s’agissait d’abord de recenser les journaux créés à Paris en 1789, centre vivant de l’invention journalistique, qui diffuse largement dans les provinces et jusqu’à l’étranger. Ce sont eux qui font ici l’objet du travail critique le plus minutieux : aussi bien présentent-ils la masse la plus considérable (194 notices). Pour de multiples raisons, il était impossible d’étendre l’entreprise, au même degré d’exhaustivité et de précision, aux autres journaux créés en province ou contrefaits sur les journaux parisiens, ou paraissant en France et à l’étranger dès avant 1789. L’Institut Français de Presse établit actuellement un Catalogue de la presse départementale au temps de la Révolution et du Directoire (1789-1799). La production provinciale est donc systématiquement inventoriée par des chercheurs ou des équipes locales, les premiers résultats près d’être publiés. Nous devons la matière de plusieurs notices aux responsables de cette entreprise, mais nous ne doutons pas que notre bibliographie reste, dans cette catégorie, défectueuse (1). Nous ne pouvions non plus envisager de dépouiller toute la presse étrangère de langue française : certains titres sont très difficilement accessibles, parfois introuvables ; des champs originaux et actifs de création, à Liège et dans les Pays-Bas autrichiens, supposent des enquêtes propres.

Mais il était tout aussi impossible d’exclure totalement ces journaux, si l’on voulait présenter de l’année 1789 une vue globale et juger vraiment la part de la création. Les études de la presse révolutionnaire à ses débuts ne tiennent pas assez compte de l’héritage, de la situation antécédente, des organes d’information par rapport auxquels, en concurrence avec lesquels, et souvent contre lesquels les nouveaux journaux se sont posés et imposés. Une lecture attentive des quelques journaux d’information créés avant 1789, et parfois depuis fort longtemps, et des grandes gazettes internationales, dont le rôle était si important pendant tout le siècle, doit impérativement accompagner celle des premiers journaux révolutionnaires. Nous avons donc décidé de consacrer une notice à tous les journaux de langue française établis en France ou à l’étranger avant 1789, et à ceux qui ont été créés en dehors de Paris, mais une notice beaucoup plus courte, et même parfois très succincte, concentrant les renseignements essentiels, ou du moins ceux qu’il nous a été possible de réunir lorsque nous n’avons pas vu les collections. Ces 160 notices sont donc, par la force des choses, d’ampleur inégale. Elles permettent du moins, beaucoup plus facilement que ne font les bibliographies générales, de saisir la totalité de la presse de langue française dans l’état qui était le sien en 1789.

 

Limites du corpus

Un inventaire soulève d’épineux problèmes que les bibliographes du journal révolutionnaire ont rarement accepté de poser clairement.

J. Sgard ouvre sa Bibliographie de la presse classique (1600-1789) par cette définition : "Par périodique, on entendra tout ouvrage imprimé qui prétend, grâce à une publication échelonnée dans le temps, rendre compte de l’actualité. Trois critères conjoints sous-tendent cette définition : une présentation relativement stable sous un même titre, une périodicité réelle ou affirmée, et un souci de l’information récente" (p. 2). Ces critères sont sans doute à la fois les plus sûrs et les plus souples. Leur application reste néanmoins très aléatoire, et le bibliographe doit opérer des choix.

Sont évidemment exclus tous les journaux manuscrits, les "gazettes à la main", dont l’inventaire est d’ailleurs en cours sous la direction de F. Moureau. Sont aussi exclus les "journaux" dans le sens premier et général de "relation jour après jour de ce qui se passe ou s’est passé", de publication non périodique ou sans rapport avec l’actualité proche (2).

Faut-il accepter toutes les périodicités, même lentes, et tous les types de périodiques ? Il nous semble qu’à cet égard une relative homogénéité du corpus doit imposer les règles du choix. La presse révolutionnaire se caractérise par la prépondérance massive des journaux de périodicité rapide (du quotidien à l’hebdomadaire). La presse antérieurement installée surtout en France, offre des traits assez différents. Du moins ne faut-il pas l’alourdir de périodiques annuels, ou de collections sans rapport avec l’actualité, qui seront exclus : almanachs (y compris les almanachs littéraires), calendriers, étrennes, états administratifs, recueils de mémoires d’académies et de sociétés savantes, bibliothèques.

Nous savons que certains journaux savants, paraissant plusieurs fois par an en volumes, n’offrent pas un contenu réellement différent de celui de ces recueils, mais cette objection ne nous paraît pas devoir remettre en cause la nécessité d’une sélection claire fondée sur la périodicité, du moins dans la perspective de notre enquête.

La constitution d’un corpus de journaux, en particulier pour la période révolutionnaire (3), pose un autre problème, beaucoup plus redoutable : où tracer la frontière entre le journal et le pamphlet ? Entre la périodicité annoncée ou au moins avérée, qui permet le classement dans le périodique, et la brochure, l’occasionnel ou le pamphlet ponctuels, la série numérotée s’intercale comme un objet ambigu et difficilement classable. Les bibliographies et les catalogues la versent tantôt du côté du journal, tantôt du côté du pamphlet, sans justification du choix opéré. La distinction des séries Lc2 et Lb39 dans les collections de la Bibliothèque Nationale sert de référence implicite, mais elle est elle-même parfois contestable (4), et le degré de liberté que l’on prend avec elle varie d’un inventaire à l’autre. M. Tourneux, au t. II de sa Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution, adopte l’attitude la plus stricte, qui consiste à exclure de la presse les brochures numérotées non périodiques ; il y range cependant le Tribun du peuple de Bonneville, le Supplément au Point du jour, ou le Furet parisien, classés effectivement en Lc2, mais dont rien n’atteste la périodicité, ou qui la refusent, ou qui ne la promettent qu’in extremis, au moment de disparaître, et même un récit journalier très justement classé en Lb39, le Journal de la Compagnie des citoyens arquebusiers (5). Le Catalogue de l'histoire de la Révolution française de A. Martin et G. Walter n’obéit à cet égard à aucune méthode. Enfin le Catalogue collectif des périodiques de la B.N. corrige quelques erreurs de Tourneux, mais opère parfois des choix contraires mais aussi peu justifiés.

Une périodicité, promise ou attestée, étant donc la marque distinctive du journal, compris dans un sens large, et qui englobe par conséquent le pamphlet proprement "périodique", on classera parmi les pamphlets ou brochures simplement numérotés les séries qui ne présentent pas cette marque. Si cependant on excluait ces dernières d’une bibliographie des journaux, on s’exposerait à un double reproche : celui de rompre avec une tradition solidement installée, et d’opérer des coupes brutales qui seraient mal comprises (il faudrait exclure le Tribun du peuple qui refuse explicitement le nom de "journal") ; celui d’ignorer un des caractères importants de la presse révolutionnaire, la relation étroite qui unit journal et pamphlet, et en fait deux formes éditoriales et expressives voisines. Encore faut-il alors suivre une démarche cohérente, et intégrer tous les pamphlets et brochures numérotés, même s’ils se réduisent à un seul numéro. Nous avons essayé de les repérer dans la série Lb39 et dans divers catalogues, et l’on en trouvera ici plusieurs qui ne figurent pas d’ordinaire dans les bibliographies de la presse. Certains nous ont assurément échappé. Pourtant le critère de la périodicité ne doit pas être appliqué aveuglément, et l’on peut classer dans les journaux, en raison de leur titre ("journal", "affiches"...) des séries qui ne l’annoncent pas. Une part d’appréciation personnelle et d’arbitraire se glisse nécessairement ici : on pourra en juger, si l’on veut, en analysant le classement par catégories qui figure à la fin de cet ouvrage (6).

Evoquons enfin la difficulté créée par les occasionnels non numérotés, et que les bibliographes et les historiens de la presse ont en général ignorée. Au moment où l’administration de la librairie perd ses pouvoirs de coercition, surtout à partir de la mi-juin, et où le journal révolutionnaire commence réellement à naître, il en paraît une multitude : petits bulletins portant le titre Séance du..., Délibération de l'Assemblée Nationale du ..., Récit de ce qui s’est passé à l'Assemblée Nationale le ..., Procès verbal des journées du ..., etc., en demi-feuille ou quart de feuille in-8°, parfois moins encore. Le Courrier français et le Courrier national sont sortis de cette production anarchique, et c’est pourquoi il est si malaisé d’en préciser l’origine (7). Certaines collections de la Bibliothèque Nationale (Lc2 156, 156a ...), de l'Arsenal (8° J 3326) ou de la bibliothèque d’Harvard (Fr 1325. 538) recueillent de ces occasionnels qu’on retrouve parfois isolés dans la série Lb 39, dans les fichiers d’anonymes, ou dans la Bibliography of the Frank E. Melvin collection of pamphlets ... d’A. Saricks. Dans ces conditions, il faudrait, pour rendre compte des origines réelles de la nouvelle presse, se livrer à un examen bibliographique minutieux de chaque unité éditoriale, entreprise devant laquelle nous avons reculé, et qui d’ailleurs supposant une autre échelle d’observation devrait être réalisée séparément et dans des limites chronologiques étroites. Du moins faut-il avoir toujours conscience de l’existence de ce phénomène de prolifération spontanée, premier terreau du journal, et ne pas se laisser abuser, en juin et au début de juillet, par les perspectives nécessairement simplificatrices d’une bibliographie des titres qui se sont imposés ou simplement perpétués quelque temps (8).

 

Modèle descriptif et analytique

La fiche signalétique créée par J. Sgard pour le Dictionnaire des journaux (1600-1789), en cours d’élaboration, nous a pour l’essentiel servi de modèle. Pour les nouveaux journaux parisiens (la partie la plus importante), nous y avons ajouté une rubrique "Orientation idéologique" qui s’imposait dans le traitement d’une presse presque uniquement politique et souvent très engagée, et quelques rubriques informatives accessoires (sur les autres journaux, les imprimeurs ...). Inversement, pour tous les autres, nous avons réduit cette fiche au minimum nécessaire, dans l’attente de l’enquête exhaustive du Dictionnaire des journaux et de l’inventaire des journaux de province de la Révolution.

Les bibliographies de Hatin, Tourneux, Monglond, Martin et Walter, couvrant toute la période révolutionnaire, sont nécessairement succinctes, même si les deux premiers font suivre la description des collections d’un historique parfois abondant et, chez le second, remarquablement sûr. L’analyse d’une année, fondée sur la lecture des textes et un examen de tous les détails et indices, permet de réunir des données nouvelles : prix et conditions de souscription, permis de police, contenu, forme discursive... Le journal cesse d’être un pur objet d’inventaire, dont le mystère ne s’éclaircit que pour le lecteur qui va le consulter. Il prend place dans un ensemble typologique (dans la mesure où une floraison de formes complexes permet de le dessiner) et dans un spectre politique. On peut ainsi procéder à une plus juste appréciation des tendances qui se manifestent dans la presse, et cesser de privilégier quelques journaux situés aux extrêmes du champ politique, comme l’ont fait souvent les historiens de l’année 1789 ou de la Révolution "vue par les journaux".

La méthode que nous avons adoptée pour la description et l’analyse, les partis que nous avons pris, certains usages que nous avons suivis exigent quelques explications.

L’information sur les petites feuilles est relativement plus riche que celle qui porte sur les grands journaux. Cet effet de grossissement était inévitable : un quotidien qui a paru de juillet à décembre (par exemple le Courrier français de Poncelin ou le Courrier de Gorsas) ne pouvait pas être traité à la même échelle qu’un éphémère. Les informations complémentaires (sur les autres journaux, etc.) ne pouvaient être intégralement collectées lorsqu’elles devenaient trop nombreuses ; nous en avons alors seulement signalé la présence.

Nous avons toujours respecté la graphie originale des titres. La notation, par des barres transversales, de leur segmentation typographique dans la page a pour but de mettre éventuellement le lecteur sur la trace d’une réimpression ou d’une contrefaçon ; elle peut surtout n’être pas indifférente pour une étude formelle de la partie titre, même si une étude de ce genre doit se fonder sur un système descriptif beaucoup plus complexe (9). Le titre pose cependant plusieurs problèmes. La notice est établie sous le titre primitif, pour les créations de 1789, ou sous celui qui est alors utilisé, pour les journaux plus anciens. Dans quels cas faut-il établir une continuité entre des séries dont le titre ou les dispositions éditoriales changent, donc leur consacrer une seule notice, ou au contraire les considérer comme des entreprises distinctes ? Nous avons adopté ce dernier parti lorsqu’interviennent, dans une entreprise, des modifications significatives ou conjuguées, parfois après une interruption plus ou moins longue. Ainsi nous traitons à part le Patriote français de Brissot paru le 7 mai, in-8°, et la collection de même titre qui commence le 28 juillet, in-4° ; les Etats Généraux de Mirabeau, des 6 et 7 mai, in-4°, et les Lettres du Comte de Mirabeau à ses commettants, in-8°, que nous mettons, en revanche, en continuité avec le Courrier de Provence, comme tout y invite ; enfin les trois collections successives du Journal de la Ville, celle de la fin juillet, celle de Luchet, enfin celle de Fontanes et d’une "Société de gens de lettres" dont les caractères généraux, l’auteur, le format (pour les deux derniers) diffèrent. Les collections du Courrier national posent des problèmes d’une extrême complexité que nous exposons dans les commentaires qui terminent les notices.

Le terme chronologique assigné aux collections peut parfois prêter à discussion. Cette bibliographie suit avec attention leur évolution jusqu’à la fin de 1789, parfois jusqu’au début de 1790, pour les collections de courte durée. Mais pour celles dont l’histoire s’est prolongée pendant plusieurs années, il était exclu de rendre compte de tous les changements de titre, de formule éditoriale, etc., au-delà de décembre 1789. La date extrême d’interruption du journal répond donc ici, autant que possible, aux critères de distinction des entreprises énoncés plus haut. Mais nous ne sommes pas sûr d’avoir pu toujours les appliquer convenablement.

Nous avons tenté d’atteindre la plus grande précision possible pour la datation. Les indices externes ou internes nous ont permis de situer approximativement presque tous les éphémères et les pamphlets numérotés non datés. Cependant la datation soulève plusieurs questions délicates. Il faut toujours rechercher la date de parution réelle du journal. Pour les quotidiens qui portent seulement celle de la séance de l’Assemblée Nationale dont ils rendent compte, et ils sont nombreux, nous l’avons conservée, en signalant dans la description de la collection qu’elle n’était pas celle de la parution : l’écart est alors d’une journée, et il serait absurde de procéder autrement. Mais, dans certains cas, l’écart est important et la datation de publication supposée ou attestée s’impose. Nous avons tout lieu de penser par exemple que la 1° Lettre du Comte de Mirabeau à ses commettants, datée au début du 10 mai, n’a pas paru avant le 20 ; plusieurs témoignages prouvent que la sortie des livraisons du Journal politique national ne correspond nullement à leurs dates, du moins tant qu’elles apparaissent sous le titre ; les Lettres à M. le Comte de B*** de. Duplain de Sainte-Albine commencent par un récit daté du 12 juillet (ce qui a égaré les bibliographes y compris Tourneux), mais la reconstitution de l’ordre des livraisons et le témoignage de la Chronique de Paris permettent d’en fixer l’origine au 31 août. On se méfiera des dates de création fictives qui font coïncider le début du journal et l’ouverture des Etats Généraux, grâce à une introduction plus ou moins tardive (10) ; on datera, autant que possible, les pages de titre volantes distribuées aux souscripteurs pour orner dignement leur collection (11). Nous avons essayé de dégager l’aspect primitif sous lequel se présentaient certains journaux ; cette opération, négligée des bibliographes antérieurs, est indispensable pour en comprendre l’origine : nous pensons aux premières livraisons du Journal des Etats Généraux de Le Hodey ou des Révolutions de Paris de Prudhomme.

Il est très difficile de déterminer l’origine de plusieurs journaux importants qui apparaissent en juin : des collections composites, et différentes les unes des autres, la rendent très aléatoire. Le Catalogue collectif de la B.N. a remarquablement éclairci les choses dans plusieurs cas, mais n’est pas exempt d’erreur. Le plus sûr est, en général, de se fier au journaliste lui-même qui, parfois, indique la date de lancement de sa feuille : ainsi Beaulieu pour la Suite des Nouvelles de Versailles, 23 juin, ou Poncelin pour le Courrier français, 26 juin. Mais certaines collections résistent à toute tentative de délimitation précise ; il convient alors de faire simplement l’aveu de son ignorance.

Nous donnons les cotes d’un certain nombre de bibliothèques que nous avons prospectées, en commençant par celle de la collection de référence. Elles sont souvent relativement plus nombreuses pour les petits journaux dont ne subsistent que quelques rares exemplaires. Pour les grands journaux, bien représentés dans les fonds publics, nous ne mentionnons que les collections consultées. Cette partie de la notice ne se substitue donc nullement au Catalogue collectif de la B.N., à l'Union List of sérials, au British Union Catalogue, ni même, pour certains doubles ou certaines réimpressions de la B.N., au Catalogue de Martin et Walter.

Les dimensions du cahier ne doivent pas être considérées, dans de nombreux cas, comme rigoureusement exactes, ayant été prises sur des microfilms.

Il paraissait utile de mentionner le système des signatures d’imprimerie : cet élément sommaire de bibliographie matérielle permet éventuellement de repérer des exemplaires variants ; il semble surtout nécessaire pour appréhender les caractères propres de plusieurs journaux en juin et juillet, et pour comprendre la progressive mise en place de la stabilité éditoriale ; on se reportera à cet égard à la notice du Courrier français.

Nous signalons, quand nous avons pu en rencontrer, la présence de couvertures (de papier fort, bleu ou mauve) qui par bonheur ont été conservées dans quelques rares collections. Elles accompagnaient surtout les cahiers épais des hebdomadaires ou de certaines brochures. Les informations qu’elles fournissent sont parfois capitales : on en jugera par les notices du Tribun du peuple, des Révolutions de Paris, ou des Révolutions de France et de Brabant.

Le nom de l’auteur ou des auteurs de nombreux journaux sont inconnus, ou donnent lieu à des attributions incertaines, que nous nous bornons à rappeler. Nous ne donnons quelques renseignements biographiques que lorsque l’auteur est très peu connu, et d’après le texte même du journal. Cette partie de la notice repose sur un savoir antérieur (Barbier, Hatin, Tourneux) que nous n’avons aucun moyen de vérifier ; elle doit aussi beaucoup au Dictionnaire des journaux publié sous la direction de J. Sgard, et à ses Suppléments successifs.

Etendue et difficultés de l'enquête

En dehors des grands inventaires et catalogues collectifs, notre enquête s’est orientée surtout vers quelques fonds de journaux révolutionnaires particulièrement riches : ceux de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, de la Bibliothèque de l’Assemblée Nationale, et de la collection Rondonneau des Archives Nationales. Aux Etats-Unis, ceux de Harvard et de la Newberry Library de Chicago ont fait l’objet de recherches approfondies. De nombreux conservateurs, en province ou à l’étranger, nous ont permis en outre de retrouver telle collection (ou l’année 1789 de cette collection) ou telle livraison introuvable ailleurs.

Nous avons pu ainsi compléter des journaux déjà connus et en repérer quelques-uns qui ne figuraient pas dans les bibliographies antérieures, et rectifier quelques dates (12). Nous avons consacré une notice à des journaux non retrouvés mais attestés par la presse contemporaine (le Censeur politique, le Journal des Enfants), ou signalés par Hatin : dans ce dernier cas, le degré de probabilité de leur existence est indéterminable, et parfois très faible.

En ce qui concerne la presse établie avant 1789, que nous traitons plus succinctement, il a fallu surmonter de nombreuses difficultés. Il a été parfois très difficile de localiser l’année 1789 de certaines gazettes étrangères très rares. Des journaux attestés n’ont pu être trouvés.

L’ordre choisi pour classer cette partie de la presse nous a paru seulement le moins mauvais ou le plus commode. Nous avons fondu, dans journaux politiques étrangers, l’information générale et l’information locale (par exemple le Journal de Genève publié à Genève) ; nous y avons laissé le Courrier d'Avignon, à cause de ses caractères formels, et malgré la nouvelle situation administrative de l’édition avignonnaise. Ce que nous appelons "journaux spécialisés" dans la production parisienne regroupe le Courrier des Planètes, le Magasin des modes et les journaux religieux, ce rapprochement étant peut-être moins audacieux encore que celui, dans cette même catégorie, du Journal ecclésiastique de Barruel et des Nouvelles ecclésiastiques jansénistes.

La liste des "affiches" provinciales a été établie, par ordre alphabétique des villes où elles paraissent, d’après la table de la Presse provinciale au XVIII°siècle, publiée sous la direction de J. Sgard. Il semble difficile de distinguer dans cette catégorie les affiches proprement dites et les journaux divers : comme le montre G. Feyel dans son étude sur "La presse provinciale sous l’Ancien Régime" (13), les affiches primitives, en évoluant, modifient leur titre, leur périodicité, leur contenu rédactionnel, leurs ambitions. Sauf exception, nous donnons seulement de ces journaux le titre en usage en 1789 et les dates extrêmes de publication ; pour leur localisation et leurs caractères généraux (format, volume, pagination ...), on se reportera à l’ouvrage que nous venons de mentionner (14).

Les journaux de musique, qui composent un ensemble très particulier, sont traités également de façon très succincte : nous renvoyons au Répertoire International des Sources Musicales, qui dresse l’état des collections existantes.

La presse liégeoise, si importante à la fin du XVIIIe siècle, et à laquelle la révolution d’août 1789 donne un élan supplémentaire, a fait l’objet d’une bonne étude d’U. Capitaine, dont le degré de précision n’est cependant pas toujours satisfaisant. La Bibliothèque publique centrale de Liège a facilité constamment la communication ou le microfilmage des collections qu’elle contient.

Pour les Pays-Bas autrichiens, l’Essai historique et critique sur les journaux belges d’A. Warzée reste une source utile où se sont contentés de puiser quelques autres bibliographes. Mais le mémoire de Véra Claus sur la presse de la Révolution brabançonne, De Pers tijdens de Brabantse Omwenteling (Université de Louvain, 1983), qui nous a été communiqué par le professeur J. Roegiers qui le dirigeait, comporte un répertoire précis des périodiques parus de 1789 à 1790, que nous avons utilisé.

Des obstacles de tout genre expliquent certaines lacunes de détail de cette bibliographie ; mais nous ne doutons pas que d’autres lacunes, et des erreurs de fait, apparaissent à des lecteurs expérimentés et curieux. D’avance, nous nous en excusons auprès d’eux. Le champ reste ouvert à la recherche, et d’abord dans des zones auxquelles nous avons à peine touché (impressions multiples, contrefaçons...).

Le terme d’une année est bref et arbitraire. Mais une coupe chronologique plus étendue eût excédé nos possibilités. La presse révolutionnaire connaît son plus ample développement en 1790 et en 1791, et reste, malgré des fortunes diverses dues à la conjoncture politique, très vivante dans les années suivantes ; mais les premiers mois de son émergence, de mai à décembre 1789, mettent déjà en place les principales inventions de la liberté qu’elle conquiert, les modes d’expression qui la caractérisent, et les conflits qui la divisent.

 

 

(1) Le récent ouvrage de Hugh Gough, The Newspaper Press in the French Révolution, Londres, Routledge, 1988, contient en particulier une information très riche et de première main sur la presse provinciale. Nous lui sommes redevables de plusieurs renseignements sur les journaux créés en 1789. En ce qui concerne les réimpressions provinciales de journaux parisiens, nous n’avons consacré de notice qu’aux principales (Etats Généraux. Extrait du Journal de Paris, à Bordeaux ; Bulletin de l'Assemblée Nationale à Nancy) ; pour la réimpression caennaise du Courrier de Gorsas, voir la notice de ce journal.

(2) Ainsi le Journal pour servir à l'histoire du XVIIIe siècle, contenant les événements relatifs aux impôts de la subvention territoriale ..., Paris, Libraires associés [Avignon], 1788-1789, 3 vol. (Mazarine 63 670), qui fait l’objet d’une sévère prohibition au début de 1789 (voir Archives Nationales VI 549, n° 405 ; VI 550, n° 382-384, 487-451) ; ou le Journal de route, Nantes, février 1789, in-8°, 12 p. (BN Lb39 1033) et d’autres textes du même genre qu’on trouve parfois dans les catalogues et fichiers de périodiques, le Journal des opérations d'une partie des députés des trois ordres de la Flandre maritime, Bailleuil, 1° avril 1789, in-8°, 8 p. ; Journal historique des assemblées de l’ordre ecclésiastique pour la députation aux états généraux, Lyon, avril 1789, in-8°, 120 p. (BHVP 604 164). De même nous ne comptons pas les Révolutions de Paris en 1789, parues à Neuwied à partir de novembre, comme un journal, mais comme une collection réimprimée sur le journal de Prudhomme (voir la notice de ce dernier).

(3) Il en va de même pour toutes les périodes agitées à forte activité pamphlétaire, la Fronde par exemple.

(4) La Première aux grands de Servan, qui est manifestement une brochure numérotée, est classée en Lc2 ; le Solitaire des Tuileries est dispersé entre Lc2 et Lb39 ; on pourrait signaler d’autres cas.

(5) Que nous conservons d’ailleurs parmi les brochures, bien qu’il ne soit pas numéroté, pour ne pas interrompre une longue possession : il figure en effet dans toutes les bibliographies antérieures.

(6) Sur l’ensemble du problème, nous avons présenté une communication au colloque de Haïfa, 16-18 mai 1988, "Journal et pamphlet numéroté en 1789", à paraître. Nous considérons comme pamphlet, ainsi que Tourneux, le Journal académique, dont la souscription est parodique ; inversement, en vertu du seul titre, nous classons par exemple dans les journaux le Moniteur patriote de Marat, versé d’ailleurs en Lc2.

(7) Voir les notices de ces journaux, ou celles de la collection BN 8° Lc2 2235, Du ..., de la Suite des Nouvelles de Versailles de Beaulieu.

(8) Nous avons donc exclu quelques occasionnels que l’on trouve dans certains catalogues ou bibliographies : le Bulletin de Versailles. Du 13 juillet 1789, in-8°, 2 p. (BHVP, 964.617 ; Harvard Fr 1325.567.70; Newberry Library, FRC 5161.1) ; Il était temps, ou la semaine aux événements, Supplément. N° II et III, in-8°, 15 p. (BN 8° Lc2 144), dont la numérotation reste incompréhensible.

(9) Voir Cl. Labrosse et P. Rétat, "La forme du journal en 1789", dans Textologie du journal, Cahiers de Textologie, n° 3, GRECO 1 du CNRS, à paraître chez Minard.

(10) Voir la notice du Journal des Etats Généraux de Le Hodey.

(11) Voir le Courrier de Provence.

(12) Martin et Walter placent indûment en 1789 le Paysan et son seigneur et le Grand inquisiteur ; le Voyage à l’assemblée Nationale (8° Lc2 2272) auquel ils consacrent une notice propre, est en fait le n° 1 des Voyages de l’Opinion ; nous situons à leur date précise en 1789 les Motions de Babouc que Tourneux place entièrement en 1790. Nous avons retrouvé aux Archives nationales, AD XXa 204, la seule livraison subsistante d’un Esprit des séances des Etats Généraux, que Hatin place en 1789, et qui date à peu près sûrement du début de 1790.

(13) La presse provinciale au XVIII° siècleGrenoble, 1983, p. 27 et suiv.

(14) Ibid., Table alphabétique, p. 125-134 ; G. Feyel, art. cité, p. 23-43