J89115

Pierre Rétat, Les journaux de 1789, Bibliographie critique, Paris, Editions du CNRS, p. 169-172

mis en ligne avec l'aimable autorisation de l'auteur


 

Numéro

115

Type

AN

Aire géographique

PRESSE PARISIENNE

Année début

1789

Année fin

1791

Titre

LETTRE/ DU COMTE DE MIRABEAU,/ A SES COMMETTANS

Modification(s) du Titre

à partir du n° XX: Courier de Provence. Pour servir de suite aux lettres du Comte de Mirabeau à ses Commettons.

Dates extrêmes

20 mai 1789-30 septembre 1791.

Prospectus

n° XXVIII, 4 pages, servant de prospectus, et reprenant le texte de la fin de la XIXème lettre (exemplaire BN); doublant le n° LIX (28-29 oct.), 4 pages servant de prospectus (exemplaire BU Lyon).

Périodicité annoncée

trihebdomadaire, mardi, jeudi et samedi, pour le Courier de Provence. "Des facteurs préposés à sa distribution la [la feuille] porteront chez les souscripteurs" (XIXième lettre, p. 61).

Périodicité réelle

la distribution a dû être irrégulière, avec des retards considérables. La XIXème lettre embrasse la période du 9 au 24 juillet. La promesse de régularité, à partir de l’installation de l’Assemblée Nationale à Paris, implique des retards antérieurs (n° LVII, 13-14 oct.), attestés par le Nouvelliste universel, selon lequel les nouvelles du Courier ne "sont pas fraîches" (n° XVII, 22 sept.). Sur le retard de l’envoi aux provinces et de l’impression, voir E. Dumont, Souvenirs, p. 89-90.

Collection en 1789

lere-XIXe Lettres, 10 mai-24 juill.; Courier de Provence, n° XX (24-27 juill.)-LXXXVI (30-31déc.). La datation est celle des séances de l’Assemblée.

Collection

XVII volumes (coll. BN).

Pagination

par livraison. Les livraisons sont d’ampleur très variable: 16 pages en général mais souvent jusqu’à 20, 33, 37, 61 pages.

Dimensions

118x192 mm.

Nombre de pages du cahier

16 ou 8 p.

Format

in-8°.

Signatures

par livraison.

Editeur(s)

Le Jay fils, Libraire.

Imprimeur(s)

aucune mention, sauf tel numéro de certaines collections, par exemple n° XL dans BM Lyon 387. 180: A Versailles, Chez Baudouin.

Souscription

12 1./ 3 mois à Paris, 15 1./ 3 mois en Province, chez Le Jay fils (XIX° Lettre, p. 61, et Prospectus d’août qui contient une liste de libraires de province). 6 l./ mois, 18 1./ 3 mois à Paris, 7 l. 10 s./ mois, 22 l. 10 s./ 3 mois en province, à partir de novembre (n° LVII, 13-14 oct., et Prospectus, n° LIX, qui ajoute un prix au n°: 12 s; le n° L, 5-6 oct., justifiait cette augmentation par le volume accru des numéros).

Auteur(s)

MIRABEAU; à partir de la Xlème Lettre, les rédacteurs sont L. E. Dumont et J. A. Du Roveray, d’après les Souvenirs de Dumont cités par J. Bénétruy (L'Atelier de Mirabeau, p. 183). Dans la XIXème Lettre, Mirabeau annonce qu’il va rendre le journal à ses "collaborateurs", "amis éclairés" qu’il s’est associés à l’ouverture des Etats Généraux (p. 60). Collaborent également au Courier Clavière et Reybaz, qui remplace Du Roveray à partir de novembre.

Contenu annoncé

les auteurs exposent "toutes les opérations de notre Assemblée, moins en Gazetiers scrupuleux et didactiques, qu’en Historiens, en hommes d’Etat [...]. On n’y trouvera pas cette pesante exactitude qui tient compte de tout le matériel d’une séance et qui en laisse échapper l’esprit [...], mais les matières seront discutées, tous les discours d’effet seront rapportés, et les Orateurs caractérisés" (XIXème Lettre, p. 60).

Contenu réel

les Lettres se présentent réellement comme une correspondance, avec l’en-tête Messieurs; comptes rendus sous forme de discours continu, place particulière réservée aux discours d’"un député des Communes", c’est-à-dire Mirabeau; quelques lettres en fin de livraison, dont plusieurs signées Salaville; la XIXème Lettre est une "esquisse" à "grands traits" des événements du 9 au 24 juillet. Le Courier abandonne la présentation de la lettre; le compte rendu regroupe deux ou trois séances; rarement une rubrique Variétés (lettres, analyses d’ouvrages).

Formes du discours

Les Lettres, surtout les premières, se caractérisent par la hardiesse, la vivacité, l’ironie du ton, et par l’autorité, la fermeté de la discussion et des vues; refus constant de l’accessoire, de l’insignifiant, de la scène sensible. Le style du Courier est soutenu, avec une certaine prolixité oratoire; la présentation des séances est synthétique, avec de nombreuses réflexions; en début de numéro, des entrées en matière de caractère général, assez fréquentes. Le journal s’intéresse fort peu à l’événement en lui-même, qui ne fait l’objet d’aucun récit.

Orientation idéologique

écrit et dirigé par une personnalité exceptionnelle, le journal est consacré d’abord à répandre l’éclat de sa parole et à soutenir son action politique; il est une caisse de résonance de sa présence oratoire à l’Assemblée. L’orientation du journal se confond par conséquent avec ses ambitions, tribuniciennes, ministérielles... II orchestre ses grandes interventions (par exemple sur la liberté du culte le 23 août, et les célèbres adresses), annonce de loin ses intentions (sur la présence des ministres à l’Assemblée; la séance du 7 nov. qui marque l’échec de Mirabeau, donne lieu à un des numéros les plus longs) soutient ses idées (contre la caisse d’escompte, sur la liberté des noirs). La position du journal est à la fois vigoureusement "patriotique" (éloges de la "minorité" courageuse de l’Assemblée) et modérée: il réagit vivement à l’émeute du 30 août, adopte en octobre une attitude ambiguë et réticente, accepte sans critique la loi martiale, dénonce les "complots" imaginaires, la violence, le "fanatisme" menaçant, promeut une révolution légale et progressive, une liberté sans "licence" seule capable de donner à la France une constitution stable. Il porte un intérêt particulier à la "police" parlementaire, à la façon de mener les débats, à l’art oratoire propre aux assemblées, et fait l’éloge du modèle britannique.

Historique

Nous avons fixé au 20 mai la date de départ réelle des Lettres. Comme l’a montré G. Rouanet dans son étude sur "Les premiers leaders parlementaires en France", Annales révolutionnaires (1916, t. VIII, p. 617), la première, datée au début du 10 mai, n’a pu paraître avant le 20; un ordre de perquisition du lieutenant de police est daté du 21 mai (Arch. Nat. Y 11518 et 13318); les lettres ont dû circuler clandestines en mai et peut-être jusqu’à la fin juin. D’après le Journal des provinces de Soulavie (n° II, p. 43-44), la première Lettre fut imprimée, mais non distribuée, et Mirabeau, par prudence, fit quelques retranchements qui donnèrent lieu à des cartons; des exemplaires non corrigés circulèrent cependant, ce qui entraîna la descente de police chez Le Jay, et la défense de débiter intimée aux libraires; voir aussi au n° IV, un Extrait d'une lettre de Mirabeau protestant contre cet acte de "lâcheté ministérielle".

Sur la rédaction et l’histoire du journal de Mirabeau, il faut se reporter aux Souvenirs d’Etienne Dumont (éd. Bénétruy, 1951), et à J. Bénétruy L'Atelier de Mirabeau. Quatre proscrits genevois dans la tourmente révolutionnaire (Mémoires et Documents p. p. la Société d’Histoire et d’Archéologie de Genève, t. XLI, 1962, en particulier p. 166-256).

Selon les Souvenirs de Dumont, p. 89, il y eut au début du Courier plus de 6000 souscripteurs en peu de jours, "quoique le prix de la souscription fût très haut". Une lettre de Du Roveray à Dumont du 25 mars 1790, citée par Bénétruy (L'Atelier..., p. 273), laisse supposer qu’il n’avait plus que 1500 abonnés à la fin de 1789, et 800 en France en mars 1790, époque à laquelle Du Roveray lance une campagne de publicité. L’augmentation du prix en novembre a sans doute été déterminante: "Le prix d’abonnement au courier étant élevé", les Révolutions nationales, à la demande de leurs souscripteurs, en donnent un extrait à partir du n° XXX (28 nov.-5 déc.).

Il n’existe, à notre connaissance, aucune étude bibliographique du journal, que justifierait pourtant la multiplicité des impressions et des éditions. Nous ne sommes en mesure que de faire quelques remarques.

Les collections des Lettres sont très diverses et hétérogènes (pages de titre, segmentation du titre, graphie, composition des cahiers, etc.). La première est tantôt intitulée Lettre/ du Comte de Mirabeau [...], ce qui semble signaler une édition originale, tantôt Première lettre [...].
La plupart des collections sont divisées en volumes dont la page de titre est la suivante: Le Courier/ de Provence,/ Commencé le 2 Mai 1789./ Tome/, Contenant depuis le numéro 1 jusqu’à 20./avec l’adresse "A Paris, De l’imprimerie du Patriote Français, Place du Théâtre Italien, 1789. L’année 1789 est ainsi divisée en quatre volumes. Ces faux-titres ont été distribués tardivement. Un Avis, à la fin de la Table des matières des n° I-XCVII, annonce pour juillet 1790 la distribution d’un "titre volant pour chacun des volumes de cette collection". La mention "de l’imprimerie du Patriote Français" apparaît à partir du n° CXVIII, 14-16 mars 1790 (et dans le Patriote français de Brissot à partir du 22 févr. 1790).
Le Courier présente, jusqu’au n° LVIII, deux séries très différentes:
1°) COURIER DE PROVENCE/
Pour servir de suite aux Lettres du Comte/ de MIRABEAU à ses commettons./N°.../. Le titre est serré en haut de première page, sans bandeau. C’est la forme de la plupart des collections consultées (BN, AR, Sainte-Geneviève, BM Lyon).
2°) LE COURRIER/ DE/ PROVENCE,/
Pour servir de suite aux Lettres du comte/ de Mirabeau à ses Commettons./N°.../; bandeau gravé, qui varie souvent d’un numéro à l’autre, titre aéré, typographie différente (exemplaire B.U. Lyon). La présentation est unifiée à partir du n° LIX (28-29 oct.), époque de l’augmentation du prix de souscription et de volume moyen des numéros. Quelle est l’édition originale? Le type 1 est le plus répandu; les numéros 21-24, 30, 32-34, 36, 38 (curieusement ce sont les seuls) se terminent par des Errata pour les numéros antérieurs, alors que les numéros correspondants du type 2, dont le texte est correct, n’en ont pas: ces particularités semble donc le désigner comme original. Mais seuls les exemplaires du type 2 contiennent les appels et conditions de souscription (n° L, LIV, LVII), ce qui semble à leur tour les désigner comme originaux. Nous avouons notre perplexité.

Cote(s)

BN 8° Lc2 126-127; BM Lyon 374.016; BU Lyon 54066; AR 8° Jo 20.014; Sainte-Geneviève Ae J 8° 36; Ass. Nat. BP” 193, Bf’” 222, Bf’” 516 (Lettres), El’” 685 (Courrier).