J89112

Pierre RétatLes Journaux de 1789. Bibliographie critique, Paris, Editions du CNRS, 1988, p. 161-165

mis en ligne avec l'aimable autorisation de l'auteur 


 

Numéro

112

Type

RR

Aire géographique

PRESSE PARISIENNE

Année début

1789

Année fin

1790

Titre

JOURNAL/ POLITIQUE-NATIONAL

Modification(s) du Titre

le Prospectus ajoute: Par M. l’Abbé Sabatier de Castres. Et le second abonnement: Publié d’abord par M. l’Abbé Sabatier, et maintenant par M. Salomon, à Cambrai.

Epigraphe

généralement latines, différentes à chaque numéro, et à signification politique.

Dates extrêmes

12 juillet 1789-novembre 1790.

Prospectus

en tête de la collection BN, sans date (juill.), Versailles, imprimeur: Ph. -D. Pierres, 4 pages, épigraphe: "Victrix causa diis placuit" Lucan.

Périodicité annoncée

trihebdomadaire, mardi, jeudi et dimanche (Prospectus).

Périodicité réelle

seuls peut-être les quatre premiers numéros ont paru à la date qu’ils portent (12-19 juill.). Il est ensuite difficile de déterminer la date réelle de publication (voir la fin de cet article).

Collection

Premier abonnement: n° 1-15 (12 juill.-13 août), 16-23 (sans date, sept., nov.); Deuxième abonnement: n° 1-24 (sans date, déc. 1789-avr. 1790); Troisième abonnement: n° 1-8 (sans date, mai- nov. 1790).

Pagination

par numéro (8 pages).

Dimensions

115x190 mm.

Nombre de pages du cahier

8 p.

Format

in-8°.

Signatures

aucune.

Imprimeur(s)

de Pierres à Versailles, pour les premiers numéros, puis Couturier, à Paris, puis "en pays étranger" [Bruxelles?] (d’après le n° 10, 2 août, avis Au public).

Souscription

6 1./ 2 mois, à Versailles chez Blaizot, libraire, rue Satori, 53, et chez Le Bel, libraire, au bas de l’escalier de marbre du Château, à Paris chez Dessenne, l’aîné, libraire, et chez Barrois, l’aîné, libraire (Prospectus). Chez Ducolombier, Directeur du Bureau de ce Journal, avenue de Paris, n° 56, Blaizot et Le Bel (n° 4, 19 juill.). 6 l. 12 s., à Bruxelles, chez M. Quoilin, Régisseur de l’expédition des Gazettes, au Bureau général des Postes des Pays-Bas, ainsi que chez les Autres Buralistes des Postes étrangères (n° 7, 26 juill.). Chez Ducolombier et Le Bel seuls (n° 10, 2 août). Ducolombier et Quoilin... (n° 15, 13 août). Ducolombier ayant renoncé à la direction, on s’adresse à M. Turpin, négociant, rue des Fossés-Montmartre, n° 25, à Paris (Avis important à la suite du n° 20). Second abonnement, 12 1./ 3 mois, à compter du 1er décembre, chez Turpin (n° 21, nov.).

Auteur(s)

SABATIER DE CASTRES (Antoine) et [RIVAROL Antoine de). Le titre de la réédition de décembre du premier abonnement (8° Lc2 167C) porte: "Publié par M. l’Abbé Sabatier de Castres." Il est désigné comme le "rédacteur" au n° 8 (28 juill.). Le second abonnement, d’après le titre, est "publie" par "M. Salomon, à Cambrai", pseudonyme de Rivarol.

Contenu annoncé

"Recueil" exact des discours, motions et décrets, en gardant "un juste milieu entre la fidèle prolixité des Procès-Verbaux et l’infidèle sécheresse des Gazettes". Le journal doit s’ouvrir sur un "Résumé de tout ce qui s’est passé jusqu’à présent" dans les salles des trois ordres. Il recevra les "lettres, avis, projets et autres mémoires utiles, imprimés ou manuscrits" et en donnera de courtes analyses (Prospectus).

Contenu réel

le journal est composé de "Résumés" par périodes chronologiques, qui s’étendent sur plusieurs numéros. Le premier est intitulé: Résumé historique et raisonné de tout ce qui s'est passé relativement aux Etats-Généraux, jusqu’à la réunion des trois ordres (n° 1-4); puis Nouveau résumé de ce qui s’est passé depuis le 21 juin jusqu’au 16 juillet (n° 6-16); Troisième résumé (n° 16-23, 2ème abonnement, n° 1-3); Quatrième résumé (2ème abonnement, n° 3 et suiv.). Des lettres apparaissent à partir du n°5. Assez nombreux avertissements aux lecteurs, sur les difficultés du journal. Un compte rendu de la France libre de Desmoulins au n° 18. On trouvera l’analyse précise dans Tourneux n° 10 241.

Formes du discours

le journal suit les événements avec un retard important. Seul le n° 3 (16 juill.) interrompt le résumé rétrospectif pour annoncer la "retraite" de Necker et "la révolution qui l’a suivi de près". Il prétend à "l’impartialité de l’Histoire", et veut donner des "tableaux" pour le "petit nombre de penseurs", avec franchise et courage, par opposition aux autres journalistes qui offrent "des nouvelles fraîches et des réflexions timides et usées" (n° 7). Le discours continu se caractérise par sa forte structuration, son ambition explicative, le régime du temps narratif (passé simple); dans cette nappe discursive, de nombreuses apostrophes à l’Assemblée Nationale, à la capitale, mais aussi des formules brillantes et caustiques. Une alliance étonnante de la froideur et de la passion.

Orientation idéologique

journal contre-révolutionnaire de la première heure, mais d’un ton très original, le Journal politique-national est une longue réflexion sur les causes et les véritables caractères de la Révolution. Il en présente une vision tragique, comme insurrection contre l’autorité royale, comme drame atroce (il accumule les signes de l’horreur, du sang versé, de l’humiliation du souverain, de la proscription); il inculpe violemment l’Assemblée Nationale, pour lui reprocher sa vanité, son goût des abstractions, sa folie destructrice, et Paris, figure de la monstruosité absolue, mais aussi la Cour, le Ministère, et le roi même est l’objet de pointes cruelles (le "roi chasseur", n° 17). Cette révolution tragique est aussi absurde: tous les acteurs en sont systématiquement dégonflés; drame de l’inconscience, elle devient une force de rupture inouïe dans l’ordre du mal politique. Le véritable acteur est la "populace", avec la menace imminente de l’insurrection extrême, contre la propriété, de la "loi agraire", et finalement du succès d’un soldat heureux qui renversera la Révolution.

Historique

L’histoire du Journal politique-national est assez obscure: les historiens de la presse, les ouvrages consacrés à Rivarol ne nous offrent guère de renseignements sûrs. Sabatier de Castres dit avoir été l’initiateur de l’entreprise et le rédacteur des premiers numéros; il y aurait collaboré jusqu’au n° 19 (voir sa notice, établie par H. Guénot, Dictionnaire des journalistes, 1600-1789, Supplément IV, Grenoble, 1985, p. 211). Quand et dans quelles conditions Rivarol en est-il devenu le principal rédacteur? L’essentiel du journal, les célèbres "résumés", lui reviennent, ont été réimprimés sous son nom, et les analystes de sa pensée politique en ont fait leur principale source (voir A. Le Breton, Rivarol, sa vie, ses idées, son talent, Paris, 1895, p. 163-238; J. Godechot, La Contre-Révolution, Paris, 1961, p. 37-39). Mais rien de précis n’est dit sur l’activité de Rivarol et de Sabatier en 1789, leurs déplacements, le lieu d’impression du journal...
Les divers Avertissements aux lecteurs fournissent quelques indices. Dès le n° 6 (23 juill.) le rédacteur annonce: "Nous allons prendre une marche plus réglée et plus indépendante des troubles de la capitale", et selon le n° 10 (2 août), les imprimeurs de Pierres et Couturier, intimidés, "nous auraient, par cette défection, forcés d’être à notre tour infidèles à nos souscripteurs, si nous n’avions pris le parti de chercher, en pays étranger, la liberté dont on est si loin de jouir en France". La "Lettre du Chevalier de Kermol...", au n° 8 (28 juill.) atteste que Rivarol et Sabatier se trouvaient à Péronne en même temps que l’abbé Maury lors de sa "capture", donc sur la chemin de l’émigration. Sabatier a dû s’installer à Bruxelles début août, puisque L’Observateur dans son n° 1 du 8 août l’annonce, et qu’un propectus du journal paraît dans la Gazette des Pays-Bas, n° 54 (6 août) p. 330, et ouvre une souscription à Bruxelles, chez la veuve Dujardin, aux bureaux de la Gazette, et chez tous les directeurs des postes impériales. La mention de cette souscription apparaît dans le n° 7 (26 juill.) du journal.
Le journal gardait un bureau à Versailles, chez Ducolombier, puis à Paris, chez M. Turpin, négociant, mais le n° 22 (nov.) avertit le public "qu’il ne se distribue aucun numéro de ce Journal chez aucun libraire de Paris et de Province. Ainsi ceux qu’on trouve au Palais-Royal soit chez le sieur Gattey ou autres, sont contrefaits par les mêmes libraires qui n’osaient imprimer pour nous, de peur des Districts".
Rivarol rentra à Paris le 3 novembre (pour être incarcéré quelques heures à l’Abbaye). Nous ignorons pendant combien de temps le journal fut publié à Bruxelles.
Le journal suit de très loin les événements; en outre, il ne faut faire aucune confiance aux dates qu’il porte jusqu’au n° 15: très rapidement, elles n’ont servi qu’à assurer la fiction de la périodicité promise. L’annonce d’une "marche plus réglée" au n° 6, les excuses sur les retards au n° 12 et au n° 15 prouvent qu’il a éprouvé dès le début des difficultés de publication. Il est à peu près sûr, d’après le texte de la Gazette des Pays-Bas du 6 août, que seuls six numéros avaient alors parus. Le n° 14, daté du 11 août, n’a été publié qu’au début septembre, puisqu’il contient une vive critique du numéro du 28 août du Journal de la ville de Luchet et fait allusion à l’émeute du Palais-Royal. A partir du n° 16, la fiction de la périodicité est abandonnée et les livraisons ne portent plus de date. L’anecdote de Mirabeau et de son cordonnier, au n° 23, p. 5, permet de le situer à la fin novembre. D’après L’Avis important à la suite du n° 20, les numéros 20-23 devaient paraître en une seule livraison.
Les rédacteurs exagèrent peut-être les menaces et vexations auxquelles leur journal était soumis. Il est cependant incontestable qu’il a provoqué, de la part des journalistes "patriotes", une violente campagne de dénonciation. On peut la suivre par exemple dans L’Observateur de Feydel, où Sabatier est accusé d’avoir fui en volant le libraire Dessenne, et d’avoir trouvé à Bruxelles "des accapareurs de ses amis, MM. Jourdain et Desloges, d’Amiens" (n° 1, 8 août); toujours appelé "Caton-Sabatier", à cause de l’épigraphe du Prospectus, il est accablé des anciens sarcasmes de Voltaire, qu’on rappelle à l’occasion (n° 5, 19 août). Son journal, "libelle périodique", "infâme et ordurière feuille", est soupçonné d’être favorisé par des ordres supérieurs de Versailles (n° 8, 26 août, n° 27, 10 oct., n° 28, 13 oct.): Le Journal de la ville de Luchet publie un avis du libraire Le Bel, selon lequel Sabatier a indiqué sans son aveu sa demeure pour les souscriptions, et dit n’avoir ni ne vouloir aucune relation avec lui (n° 25, 23 août). Le Courrier national de Pussy demande qu’on arrête ce "journal infâme" à la poste (n° 121, sans date, 17 oct., p. 6-7) et selon un correspondant, Sabatier est "honni et méprisé" à Bruxelles (n° 135, 2 nov.).
Inversement, les Nouvelles de Paris et de Versailles, feuille contre-révolutionnaire imprimée également à Bruxelles, font le plus grand éloge du journal et en donnent des extraits (n° 9, 5 sept., n° 11, 7 sept.).
Sur les multiples rééditions, on pourra consulter les notices de Tourneux, n° 10 241-10 248.

Cote(s)

BN Rés. 8° Lc2 167 (1er abonnement), Rés. 8° Lc2 168 (2ème abonnement, 8° Lc2 170 (3° abonnement); BHVP 9215 (1° et 2° abonnement); Arch. Nat. AD XXA 376 (1er abonnement); Ass. Nat. El’” 778 (2ème abonnement).